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Le Figaro : "Guillaume de Saint-Seine : «On vibre toujours autant aux courses»"

06 mai 2025 Revue de presse
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ENTRETIEN - Le président de France Galop est un amoureux du sport hippique, un goût qu’il entend bien faire partager. Mais, surtout, il veut renforcer les fondements d’une filière économique à part entière.

GUILLAUME DE SAINT SEINE SEBASTIEN SORIANO / Le Figaro  

Avec le printemps, c’est la grande saison de l’obstacle qui reprend vie. Un coup de projecteur bienvenu pour la filière hippique en proie aujourd’hui à de nombreux défis, à commencer par celui de son attractivité. Guillaume de Saint-Seine, le président de France Galop, est un acteur clé du secteur, chargé au premier chef de le dynamiser.

LE FIGARO. - Quel est le profil des gens qui se rendent régulièrement sur les hippodromes ?

GUILLAUME DE SAINT-SEINE. - Aujourd’hui comme hier, vous trouverez la France entière. Autour d’un rond de présentation, vous apercevrez aussi bien des propriétaires connus - la famille de l’Aga Khan qui nous a quittés cette année, les frères Wertheimer, Tony Parker, Antoine Griezmann… - que des amateurs patentés ou encore des turfistes issus de toutes les couches sociales. Symbole de cette diversité, l’année dernière, les hippodromes en France ont accueilli pas moins de 2,5 millions de personnes - un chiffre en progression de 12 % - dont 400.000 sur les sites gérés par France Galop (Auteuil, Longchamp, Saint-Cloud, Chantilly et Deauville). Ce brassage des populations est unique en son genre, c’est l’une des grandes particularités des courses. Et une richesse incroyable.

À titre personnel, qu’est-ce qui a suscité chez vous la passion des courses ?

J’avais 18 ans lorsqu’un ami m’a entraîné avec lui un dimanche à Longchamp pour me faire découvrir cet univers. Coup de chance, ce jour-là, j’ai parié sur un cheval qui a gagné ! Il s’appelait Irish River, je n’ai pas oublié son nom ! Ainsi a démarré une longue passion, qui ne m’a plus jamais quitté. Immédiatement, j’ai été pris par le suspense ; épreuve après épreuve, j’ai appris à observer comment un cheval allait performer ; j’ai appris aussi à regarder un « pedigree ». Avec mes premiers salaires, j’ai commencé par louer un cheval, avant d’acheter 1/8 d’une petite pouliche. Depuis ce moment-là, je n’ai jamais cessé d’être associé : cela permet de voir ses chevaux courir plus souvent que si vous étiez l’unique propriétaire.

France Galop a lancé les Jeudis de Longchamp, avec pour objectif notamment de rajeunir les spectateurs dans les tribunes. Les courses ont-elles vieilli à ce point ?

Nous conduisons plusieurs initiatives pour élargir notre cible. Avec les Jeudis, nous attirons plus de 85.000 jeunes par saison sur nos hippodromes. Avec les journées Hippodromes en famille, ce sont plus de 100.000 familles qui sont au rendez-vous. Tous ces gens viennent à la fois découvrir les courses, parier, humer un parfum de compétition, entretenir une émulation, participer à un spectacle. Par exemple, nous faisons visiter les écuries, avec cette idée que, pour transmettre la passion, rien ne vaut la proximité avec l’ensemble des acteurs qui font les courses.

Fidéliser cette audience, voilà le secret pour que la réussite soit complète. Nous travaillons en particulier à améliorer l’expérience client, ce qui nécessite de densifier l’animation le jour J ; il s’écoule 30 minutes en moyenne entre deux courses, un délai incompressible compte tenu de la logistique à mettre en place ; si les chevaux arrivent plus tôt dans le rond de présentation, les spectateurs trouvent un motif d’intérêt supplémentaire.

Un spectacle, dites-vous. On ne vibre plus aux courses ?

Bien au contraire. Regardez les tribunes au moment de la dernière ligne droite et entendez la clameur : c’est presque une onde de choc qui se répand parmi les spectateurs, à l’instar des grandes courses d’athlétisme ou des Grands Prix de Formule 1. On parle beaucoup du jeu, mais nous sommes d’abord et avant tout un sport à part entière : les jockeys sont de véritables athlètes et nous gagnerions à les mettre encore plus en avant. Les figures de champions sont toujours un moteur pour vibrer. Champions incluant championnes : l’hippisme fait partie de ces très rares disciplines où les femmes se mesurent avec les hommes. Elles se distinguent si bien que certaines acquièrent une notoriété internationale. Mickaëlle Michel, par exemple, est une star au Japon.

France Galop est chargé d’organiser et de réglementer les courses hippiques de galop en France. Quelles sont vos priorités ?

France Galop organise, et anime, une filière d’excellence pour la France, essentielle à son rayonnement à l’international. Un rôle qui se vérifie notamment dans l’amélioration de la race équine. Notre mission est de contribuer à la pérennité et à l’avenir de cette filière, qui emploie 40.000 personnes - toutes activités confondues - sur l’ensemble du territoire, s’appuie sur un tissu de 15.000 bénévoles et assure une contribution annuelle au PIB français de 2,3 milliards d’euros.

Chaque année, on compte 7500 naissances de chevaux dédiés aux courses de galop. De la même manière que nous cherchons à rajeunir la fréquentation des hippodromes, nous avons besoin d’attirer un plus grand nombre de propriétaires. On croit qu’il faut être riche pour investir dans un cheval. C’est faux : les modèles de « propriétariat » et leur financement se sont beaucoup diversifiés. Pour 150 à 200 euros par mois, vous pouvez investir dans un cheval, en multipropriété. Depuis plusieurs années, on voit se développer ces écuries de groupe. France Galop encourage ouvertement ces initiatives.

Il y a cinq ans, il y avait 4700 propriétaires de chevaux de course au galop en France. Ils sont 6000 aujourd’hui. Vous insistez volontiers sur votre mission d’encouragement à la race chevaline. Avec quels indicateurs de référence ?

La France joue un rôle essentiel dans l’élevage de chevaux de course : nous sommes tout simplement une terre d’excellence, reconnue dans le monde entier. L’un de nos objectifs consiste à atteindre 10 000 galopeurs à l’entraînement ; nous en sommes actuellement à 9 200. Cette dynamique s’explique par le système incitatif mis en place au bénéfice des propriétaires et des éleveurs. Un système que tous les autres pays nous envient : pour les propriétaires, il se traduit par la forte prime octroyée aux chevaux nés et élevés en France, quand ceux-ci sont classés. Nous aidons aussi les éleveurs, qui touchent une prime spécifique, équivalente à 15 % des gains. Cela encourage le développement d’une filière sur le sol français.

Quels sont les principaux enjeux aujourd’hui pour France Galop ?

Depuis des années, la croissance du marché des jeux d’argent se fait principalement au profit des paris sportifs, sur internet et dans les points de vente. À cela s’ajoute un contexte économique mouvant actuel qui met nos activités sous tension. France Galop a engagé un plan de transformation pour dégager les ressources nécessaires et se donner les moyens d’atteindre ses objectifs en matière d’accès à la propriété, de valorisation de la filière, et d’attractivité des courses. L’an dernier, les mises du PMU ont atteint 9,8 milliards d’euros, en léger recul de 2 %. Or, le financement de toute la filière est assuré à 90 % par les paris hippiques. La diversification des sources de revenus est l’un de nos principaux défis.

Le printemps coïncide avec la grande saison de l’obstacle à Auteuil. C’est le moment rêvé pour venir sur les hippodromes ?

Le printemps, avec notamment le grand Steeple Chase de Paris (le 18 mai), est le point d’orgue de la saison de l’obstacle en France mais aussi un temps fort de la sélection des meilleurs jeunes chevaux de plat. Mais les courses, c’est toute l’année. Durant l’hiver, pendant que certains hippodromes au nord de la Loire se mettent en sommeil, d’autres situés plus au sud prennent le relais ; comme à Pau, où l’affluence peut dépasser les 10.000 personnes un dimanche de janvier. Ces indicateurs rappellent à quel point les courses sont populaires, attendue et appréciées partout en France. Nous nous appuyons sur 233 hippodromes implantés aux quatre coins du territoire, synonymes d’une dynamique locale forte. C’est bien simple, il a toujours une course quelque part en France, que ce soit à Saint-Brieuc ou à Longchamp – qui accueille le Qatar Prix de l’Arc de triomphe, la compétition la plus prestigieuse au monde au galop.

 

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Par Frédéric de Monicault et Mathilde Visseyrias

Publié le 6 mai 2025