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Le Point : "Le roi Baudouin mérite-t-il la béatification ?"
Le pape a décidé d’accélérer la béatification du roi des Belges, décédé en 1993. Un souverain qui a mis sa vie sous la protection de la vierge et du Christ. Une béatification qui pourrait faire grincer quelques dents.
Le roi Baudoin dans son bureau du Palais Royal de Bruxelles en 1990. © CHARLIER/SIPA / SIPA / CHARLIER/SIPA
La France peut se targuer d'avoir Saint Louis, les Belges auront peut-être demain Baudouin à vénérer… Le pape François a en effet annoncé dimanche qu'il souhaitait lancer au plus vite la procédure de béatification de l'ancien roi des Belges, décédé en 1993. « Dès que je rentrerai à Rome, j'ouvrirai le procès en béatification du roi Baudouin, a-t-il annoncé à la fin de la messe de clôture de son voyage en Belgique. Que son exemple d'homme de foi éclaire les gouvernants ! »
Le projet était déjà dans les tiroirs, le voilà désormais lancé officiellement par le Vatican, sachant que le souverain pontife a demandé aux évêques belges de plancher rapidement sur le sujet, preuve que cette cause lui tient particulièrement à cœur. La béatification permet à l'Église de mettre en avant une personnalité défunte qui, par sa vie et ses actes, a valeur d'exemple et mérite la vénération des fidèles. C'est la première étape avant la canonisation, degré supérieur dans la dévotion chez les catholiques.
Baudouin mérite-t-il le titre de Bienheureux ? Si l'on s'attache à sa vie personnelle, sans aucun doute. Déjà très jeune, ce prince timide et myope est profondément attaché à la foi catholique, il aurait même envisagé de laisser le trône à son frère Albert pour devenir moine… Marqué par ses années de scoutisme, il tentera toute sa vie de mettre en pratique les valeurs chrétiennes qui nourrissent sa spiritualité, donnant parfois l'image d'un roi mystique… et conservateur.
Communion et chapelet
Longtemps célibataire, le jeune Baudouin va partager sa foi et ses convictions en osmose avec l'Espagnole Fabiola, aussi fervente catholique que lui, décédée en 2014. Il fait sa demande en mariage à Lourdes, où il aime prier la Vierge, et tous deux placent leur vie sous la protection de Marie et du Christ. Ce roi très pieux fait en sorte de communier tous les jours, de prendre du temps pour la prière et de réciter son chapelet, avec son épouse et parfois même des visiteurs. Il lit régulièrement Thomas More, Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et les écrits et méditations du mystique Louis-Marie de Montfort, qui deviennent quasiment ses livres de chevet. Sans compter les pèlerinages ou les week-ends de retraite spirituelle qu'il partage avec la reine.
Baudouin va régner plus de quarante ans en tentant d'exercer la royauté comme un sacerdoce. Dès son mariage, une partie des cadeaux va financer un fonds d'entraide dans lequel la reine Fabiola s'investit. Par l'intermédiaire de son secrétariat, elle tente d'apporter une réponse et une aide aux milliers de courriers qu'elle reçoit en collaborant avec certains ministères. De son côté, le roi crée la Fondation Baudouin, qui œuvre pour la justice sociale, l'éducation, s'attaque aux problèmes carcéraux, la lutte contre la pauvreté ou la traite des femmes – une ancienne prostituée lui rendra même hommage lors de ses funérailles, du jamais-vu pour les obsèques d'un roi…
Son rejet de l'IVG
Reste à juger ses actions politiques, sachant que la Constitution limitait grandement son pouvoir réel. C'est notamment sous son règne que le Congo accède à l'indépendance, il prononce un discours solennel pour l'occasion, même si les historiens vont regretter l'absence de toute compassion pour les crimes et les abus commis par la Belgique pendant la colonisation…
En revanche, le pape François a d'ores et déjà salué son acte « de courage » quand il a décidé de se retirer volontairement du pouvoir pendant 36 heures au printemps 1990 pour ne pas avoir à signer la loi sur la légalisation de l'avortement – Baudoin avait invoqué « un grave problème de conscience » et le Parlement avait trouvé un tour de passe-passe de dernière minute. Une décision exemplaire pour le pape, qui a qualifié récemment de « tueurs à gages » les médecins qui pratiquent l'IVG, suscitant de vives réactions…
Désormais, c'est aux historiens, évêques et experts de se prononcer dans le cadre de la procédure de béatification, qui peut prendre des années. Sachant qu'un miracle est nécessaire pour entériner la décision finale par décret. Pour l'heure, aucun signe divin, guérison ou autre par l'intercession de Baudouin n'a été signalé officiellement. Mais la prise de position très nette du pape laisse présager que le Vatican a peut-être déjà des preuves dans les manches des prélats.
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Par Marc Fourny
Publié le 2 octobre 2024