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Prier pour les morts de l'A.N.F.
Année après année, fidèlement, vous venez porter le souvenir de vos défunts, c’est-à-dire des membres de l’A.N.F. morts cette année. Une impressionnante liste vous a été communiquée afin que vous puissiez prier, avec plus de précision et d’attention, pour chacun d’eux ainsi qu’évidemment, pour toutes vos familles qui vous ont précédés. Pourquoi prier pour LES morts et pourquoi prier pour NOS morts ?
D’abord pourquoi prier pour LES morts ?
Pour soulager les âmes du purgatoire. C’est une très vieille pratique qui date de l’Ancien Testament. Judas Macchabée avait bien pensé que ceux qui étaient morts au combat n’étaient pas morts dans des situations tout à fait optimum de remise de leur âme à Dieu, de pureté, de contrition et s’était dit qu’il était bon d’offrir des présents pour faire prier pour eux.
Nous plongeons donc très loin notre tradition de prier pour les morts. Vous aurez déjà entendu çà et là quelques esprits chagrins qui vous diront que le purgatoire et ses pratiques sont quelque chose de tardif, qui date du XIVe siècle. Les gens ignares ne connaissent qu’un tout petit bout de chose. Oui c’est vrai, au XIVe siècle, l’Église a proclamé l’existence du purgatoire comme un dogme, mais nous avons toujours prié pour les morts.
Les messes les plus anciennes, que nous ayons dans l’Église, sont les messes de gloire des martyrs, le rouge, et les messes des morts. Nous avons toujours pensé qu’il était bon de se réjouir de la gloire de ceux qui voyaient Dieu, les premiers saints étaient les martyrs, et qu’il était bon de prier pour nos morts, à la suite du peuple juif qui, lui-même, priait pour ses morts.
Lisons l’Apocalypse au chapitre 21 : « rien d’impur ne pourra tenir devant son regard ». Rien, personne, ne tiendrait devant le regard de Dieu. Quelle chance que nous ayons cette possibilité de libérer en nous-même ce qui nous retient, ce qui nous appesantit, ce qui n’est pas purifié de nous-même. C’est la miséricorde de Dieu qui veut que nous puissions encore réparer notre âme, la rendre belle, contribuer à la remettre auprès de Dieu. C’est, bien sûr, une grande souffrance ; tous les saints spirituels qui ont parlé du purgatoire, ont parlé d’une « souffrance extrême » dit sainte Thérèse d’Avila, comme il est inimaginable d’en imaginer une ici. Car l’âme qui est là, est certaine de voir un jour son Seigneur. Elle est certaine que l’Amour de sa vie, l’accomplissement, la béatitude, la plénitude de l’Être se trouve juste là. Mais il ne lui est pas possible de Le voir et c’est un déchirement intérieur profond de l’âme que notre pauvre foi, assez peu ardente, nous fait oublier. Voilà pourquoi nous oublions parfois l’union à Dieu.
Il nous faut donc prier sans cesse, prier toujours, pour les morts. Que faisons-nous en faisant cela ? Nous entrons dans la communion des saints. Vous le savez, l’Église se divise en trois parties. Il y a l’Église du ciel, l’Église triomphante, qui contemple la gloire de Dieu, puis il y a l’Église militante, l'Église de la terre, nous-mêmes, et enfin l’Église souffrante, des morts du purgatoire, qui attend de voir la glorification en elle de celle de Dieu Lui-même. Nous sommes au meilleur endroit pour cela, car, si le paradis est représenté ici dans la coupole, nous sommes également au-dessus la crypte mortuaire de Saint-Roch. Tous ceux qui moururent à la cour, aux Tuileries, de la fin du XVIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, y furent enterrés, d’où les multiples épitaphes, ici et là, qui rappellent que d’aucuns furent inhumés, des princesses de Conti, le comte de Rougé, je ne vais pas les citer tous, ce serait un bottin de l’A.N.F. extrêmement complet..
La coupole de la Chapelle de la Vierge à l’église Saint-Roch à Paris est l’oeuvre de Jean-Baptiste Pierre, alors Premier Peintre de Louis XV. Cette grande composition qui représente l’Assomption de la Vierge, inaugurée en 1756, a été peinte à l’huile sur lés de toiles marouflées.
Nous entrons donc dans ce don intérieur des saints entre eux, des saints glorifiés, des saints au travail que nous sommes, et des saints qui finissent de peiner avant de voir Dieu. Nous entrons par la prière dans le désir de l’indulgence. Cette indulgence que l’Église dispense facilement, c'est-à-dire moyennant quelques piétés, moyennant quelques avancées de notre cœur, moyennant quelques dons de nous-même, nous fait entrer dans la capacité de partager l’indulgence de Dieu. Que pourrions-nous espérer sinon l’indulgence de Dieu pour nous-même et pour ceux que nous aimons qui nous ont précédés ? Nous entrons dans le don gratuit de Dieu. L’acte que vous faites ce soir ne vous sera pas compté comme une justice terrible dans le monde, il vous sera compté au Ciel par les âmes de ceux que vous aurez soulagés, auxquelles vous vous serez unis par votre prière et votre don. Voilà à quoi sert de prier pour les morts.
Pourquoi prier pour NOS morts ?
Pourquoi prier pour ceux que nous connaissons ? N’est-ce pas un peu égoïste que de prier pour les membres de ma famille ? Eh bien non ! Car nous entrons là dans l’honneur que nous devons à notre famille et aussi à l’honneur de notre dette. Nous devons honorer ceux qui nous ont précédés pour éviter d’entrer dans l’orgueil, si mondain, de croire que nous sommes à l’origine de nous-même.
À chaque fois que vous prierez pour vos parents, vos grands-parents, vos aïeux, vos ancêtres, à chaque fois vous vous rapetisserez, vous reprendrez votre place, c’est-à-dire celle d’un maillon qui suit, qui empêche la morcellement de la société, qui empêche l’individualisme de notre monde et nous remet dans l’honneur que nous devons à ceux qui nous ont précédés. Ce n'est pas par une vaine gloire mondaine que nous rendons honneur, c’est pour honorer le quatrième commandement : « tu honoreras ton père et ta mère », lequel ne se finit pas avec la mort de ceux-ci.
Tout le bien que l’on n’a pas pu faire dans sa vie, toutes les paroles que l’on n’a pas osé prononcer ou pu prononcer, tous les gestes de bonté que l’on a retenus, on peut encore les poser maintenant. C’est le sens de la bénédiction des morts. Je vous incite à retrouver vos tombes, à les entretenir, à les honorer, et à prier pour ceux qui y sont enterrés. Très symboliquement, nous avons dressé un catafalque, qui malgré tout comporte un corps, un paroissien que vous connaissez bien maintenant, cependant je ne saurais vous assurer de son identité.
Catafalque sur lequel sont disposés un crâne provenant de l’ossuaire de la paroisse et le dernier crucifix de la reine Marie-Antoinette à la Conciergerie.
Prier pour les morts n’est pas un rétrécissement. Prier pour sa famille n’est pas une espèce de recroquevillement sur soi. C’est un appui que nous prenons pour y inclure tous ceux qui voudront bénéficier du bienfait que nous prodiguons car nous ne sommes pas maîtres. Le bien que nous faisons, le don que nous faisons de notre prière, de notre don, Dieu en dispense comme Il veut, là où il en est besoin. Vous vous découvrirez au Ciel. Vous retrouverez votre propre famille, vous y découvrirez vos ancêtres, et peut-être aussi ceux que Dieu vous aura adjoints par alliance sans que vous ne puissiez vous en douter. Nous honorons notre dette en priant pour ceux qui nous ont précédés, nous évitons ici de nous contenter de nous-même.
La mémoire est le sens d’une messe de Requiem, c’est la mémoire que nous faisons des morts, à l’importance de notre propre vie. Si nous voulons que Dieu se souvienne de nous, il nous faut nous souvenir de nos frères, de nos parents, des nôtres. La mesure que vous userez pour les autres, Dieu en usera pour vous. Alors que le Seigneur dans sa grande bonté, se souvienne, au jour même de votre jugement, de ce petit temps que vous avez passé, perdu en prière, abandonné au monde, et donné à Dieu, ici, dans la maison qui représente la porte du Ciel.
Chaque âme a son prix, chacune de nos actions l’ennoblit, c’est cela le Requiem pour les morts de nos familles.
Qu'elles reposent en paix, ainsi soit-il.
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Homélie de monseigneur Thierry Laurent
Messe de Requiem pour les défunts de l’A.N.F.
Église Saint-Roch, Paris, 16 novembre 2023