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Crédit: François Bouchon / Le Figaro

Le Figaro : " Chanter avec les sans-abris : Clémence de Calonne, l’étudiante qui veut partager de la joie"

22 décembre 2022 Revue de presse
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PORTRAIT : Cette étudiante de 20 ans a lancé "Y'a d'la joie", une association qui organise des "maraudes musicales", un moyen, selon elle, de créer du lien avec les personnes vivant dans la rue.

Elle a le regard joyeux, la voix qui porte. Son association, lancée il y a deux ans à peine, fédère aujourd’hui une centaine de bénévoles à travers toute la France.
Son idée est simple, en théorie : aller à la rencontre des sans abri, accompagné d’une guitare et d’une enceinte musicale. « Je me rappelle d’un homme qui avait essayé de nous faire jouer l’hymne polonais ! », se rappelle la jeune femme en souriant. Cet enthousiasme, manifestement capable de déplacer des montagnes, ne vient pas de nulle part.

 

Clémence de Calonne a grandi à Asnières, en région parisienne. Seconde dans une famille de quatre enfants, elle joue ses premières notes de flûte traversière à l’âge de 6 ans et suit des cours au Conservatoire, avant de se mettre plus tard à la guitare. Dans son entourage, si personne n’est musicien, l’engagement pour les autres, en revanche, est une valeur primordiale.

"Un dimanche, on a proposé aux personnes présentes d’apprendre un chant, un canon à plusieurs voix. C’était trop beau !

Du coup, on leur a dit que l’on reviendrait"

C’est à l’âge de 17 ans que tout bascule : alors qu’elle participe à un camp dans les Alpes organisé par sa paroisse, elle est marquée par le témoignage de deux amis, habitués des maraudes, ces rondes effectuées dans les rues pour porter assistance aux plus démunis.
« Je me suis dit que ce serait fantastique de créer un projet en lien avec la musique pour les gens de la rue », explique-t-elle. Dès le lendemain, elle évoque l’idée en discutant avec son amie Raphaëlle… sur un télésiège, à la montagne. Avant la fin de la remontée, cette dernière est convaincue, et quelques mois plus tard, les deux jeunes femmes rejoignent L’Étape, une association à Asnières proposant un accueil de jour.

 

« Un dimanche, on a proposé aux personnes présentes d’apprendre un chant, un canon à plusieurs voix. C’était trop beau ! Du coup, on leur a dit que l’on reviendrait toutes les semaines pour chanter avec elles. » Le rendez-vous devient régulier, et le groupe s’agrandit peu à peu.

 

Mais en février 2020, le confinement arrête tout brutalement. Tout en s’efforçant de garder le contact avec les personnes rencontrées, Clémence et Raphaëlle profitent de leur temps libre pour créer les statuts d’une association. Son nom est tout trouvé, ce sera « Y’a d’la joie » ! Mais après le confinement, les rassemblements restent interdits. « Alors on s’est dit : “Et si on allait les voir directement avec nos guitares ?” »

 

Un matin, le petit groupe se retrouve à la gare Saint-Lazare à Paris. « On se demandait ce que l’on faisait là. Mais en une matinée, on avait chanté avec cinq personnes différentes. C’est à partir de là qu’on a commencé à faire des maraudes musicales toutes les semaines », explique Clémence.

 

Avant de se lancer, la jeune étudiante assure avoir demandé conseil autour d’elle. Afin de rassurer ses parents, notamment. Parmi les problèmes rencontrés : l’alcool. « Certains n’y touchent pas, précise Clémence, mais quand les gens sont alcoolisés, c’est très compliqué d’établir un lien avec eux, même si on a envie de les aider. Les problèmes en maraude viennent souvent de ça. On déconseille aux bénévoles d’y aller dans ces cas-là. »

« C’était beaucoup d’improvisation! »

Son départ pour Angers, dans le cadre de ses études supérieures, n’arrête pas la dynamique : en quelques mois, une nouvelle antenne est créée. Aujourd’hui, l’association est présente dans plusieurs villes de France, dont Tours, Strasbourg, Lyon et Marseille.

 

De ces rencontres éphémères naissent parfois des relations d’amitiés, même si elles sont imprévisibles : « Ce qui est difficile, raconte Clémence, c’est de créer un lien avec des gens de la rue, et du jour au lendemain de n’avoir plus aucune nouvelle. »

 

Comme pour rendre compte de ces vies croisées, la jeune femme et ses amis décident de se lancer dans un projet d'album musical, en réponse à un appel à projet de la Fondation Notre Dame. Parmi la centaine de candidatures, leur projet est lauréat et reçoit 5000 euros. « Nous étions heureux sur le moment... Même si une telle somme d'argent, ça nous semblait énorme ! » Dans la foulée, ils contactent un ingénieur du son, composent les chansons avec l'aide de certains sans-abri, et se lancent dans des séances d'enregistrement, fatalement aléatoires : « Parfois la personne ne venait pas, ou c'était une autre qui passait... C'était beaucoup d'improvisation ! »

 

Finalement, huit titres sont réalisés, accompagnés par deux clips vidéo. La soirée de lancement, en novembre 2022, réunit près de 200 personnes, dont les sans-abri ayant participé au projet. « C’était très émouvant, explique notre musicienne. Ils étaient touchés d’être entourés, d’être mis en avant. Et nous, nous étions tellement contents qu’ils soient là ! »

 

Si l’association « Y’a d’la joie » n’est pas religieuse, Clémence se dit portée par sa foi catholique : « Cela m’a permis de persévérer. Pour moi ce projet, il vient de Dieu, et ça lui donne un sens. ». À ce propos, prévoient-ils un événement pour Noël ? « Pas pour l’instant » répond l’étudiante, un peu désolée.
« Cela dit l’an dernier, la maraude de Noël avait été organisée deux heures avant… » À moyen terme, la jeune femme dit surtout vouloir continuer à faire vivre l’album, tout en poursuivant les maraudes : « J’aimerais bien au printemps organiser un grand concert. » Elle nous promet en riant de s’y pencher… « juste après mes partiels de janvier ! »

 

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Alban Barthélemy

abarthelemy@lefigaro.fr

le 22 décembre 2022