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Peut-on céder un titre nobiliaire ?

01 avril 1933 Article
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On nous communique une circulaire dont nous extrayons les passages suivants :

« On céderait « Titre de Marquis », Nom historique...

« ...

« .... Ce titre s'est transmis dans la suite des temps et son tenant actuel, âgé de soixante-cinq ans, sans postérité, voulant que se perpétue le nom de sa famille, le céderait à une personne fortunée, de toute honorabilité, qui continuerait à porter ce nom dans les traditions du passé.

« Cette cession peut s'envisager soit sous forme de vente, soit sous forme d'adoption.

«...

« Il s'agit là d'une occasion unique pour acquérir un nom historique qui ennoblirait (sic) le cessionnaire et sa postérité. »

 

Sous cette forme, cette offre est une véritable escroquerie. Le titre est inséparable du nom, et le nom de famille, étant hors du commerce et inaliénable, ne peut être vendu, donné, légué ni donné en gage : toute cession serait nulle comme contraire à l'ordre public.

 

Donc l'acheteur, s'il s'en trouve un, n'aura aucun droit à se dire marquis, et le vendeur, en admettant qu'il possède régulièrement ce titre, conservera le droit de le porter.

 

C'est à tort que certaines personnes croient pouvoir laisser par testament leur titre et leur nom. Si le marquis de X. veut laisser son nom à un parent ou à un ami, il un moyen légal : l'adoption. L'adopté prend légalement le nom de l'adoptant, mais en l'ajoutant au sien. Si M. de X. adopte M. B. celui-ci s'appellera légalement B. de X., mais non de X. tout court.

 

Le titre de l'adoptant passe-t-il ipso facto à l'adopté, en même temps que le nom ? La majorité des auteurs tient pour l'affirmative, mais la jurisprudence s'est orientée nettement dans un sens contraire. Un arrêt de la Cour de Paris, en date du 18 juillet 1893, précise que : « l'adoption confère le nom de l'adoptant à l'adopté, en l'ajoutant au nom propre de ce dernier, mais qu'elle n'opère pas ipso facto et de plein droit la transmission des titres, cette transmission étant soumise aux règles particulières qui président à la dévolution desdits titres, suivant la loi de leur origine. » Un autre arrêt de la même Cour, du 16 mai 1900, établit la même distinction entre le nom et le titre. Enfin, un arrêt de la Chambre des Requêtes, du 3 août 1908, déclare que « les titres nobiliaires se transmettent suivant les règles déterminées par l'acte qui les a créés ».

 

Pour reprendre le nom de M. de X., M. B. a un autre moyen, dont nous avons parlé dans notre précédent bulletin, se pourvoir devant le garde des Sceaux, ministre de la Justice, pour ajouter ce nom au sien. Cette faveur dépend alors uniquement du Gouvernement, qui peut l'accorder ou la refuser ; l'addition d'un nom d'apparence nobiliaire n'est obtenue qu'assez rarement, et tous les tiers intéressés peuvent s'y opposer.

 

Quant au titre, même sous la troisième République, rien ne s'opposerait à ce que le chef de l'État ne le confirmât en autorisant qu'il soit relevé avec le nom : ce serait alors une véritable collation nouvelle. Mais, en fait, il n'exerce guère ce droit.

 

Une dernière question se pose : l'adopté non noble, prenant le nom et le titre d'un adoptant noble, ou celui qui serait autorisé par le président de la République à relever un nom et un titre, pourrait-il, de ce fait, prétendre à la noblesse ? Nous croyons pouvoir répondre négativement. La République n'a pas légiféré sur le fait de noblesse et l’ignore ; encore moins a-t-elle l'intention de créer des nobles. Il faut donc s'en rapporter, comme le fait la jurisprudence pour les titres, aux règles qui régissaient l'ancien droit nobiliaire. Or, comme dans l'ancien droit français l'adoption n'existait pas, elle ne peut servir de base à la transmission de la noblesse.

 

Les anoblissements stipulent la transmission en ligne « naturelle et légitime ». Seuls certaines « dignités » impériales comportent la transmission en ligne adoptive, mais sous obligations de formalités strictes.

 

Bulletin n°2 - avril 1933