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SUÈDE - Courrier international : "Marianne Wiiburg Setterblad, celle qui tient le gotha de la noblesse suédoise "

10 novembre 2024 Revue de presse
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Le papier marbré et les services à café font partie de ses dadas. Mais ce qui passionne le plus Marianne Wiiburg Setterblad, rédactrice à la Riddarhuset, institution privée qui représente les intérêts de la noblesse suédoise, c’est de tenir le registre de l’aristocratie de son pays. Un reportage de “Dagens Nyheter”.

La porte est lourde – espérons que la noblesse suédoise ait du muscle. Ça sent à la fois le neuf et le vieux, la peinture à l’huile de lin. Au printemps, la Riddarhuset aura fait entièrement peau neuve mais, dès ce 17 novembre, on inaugurera la salle de réception rénovée, qui accueillera pour l’occasion le rappeur suédois Wille Crafoord (lui-même de sang bleu, appartenant à la lignée no 743) qui interprétera un morceau intitulé Riddarhuset. Mais, en attendant, une foule d’écus armoriés attendent dans les cartons.
 
“C’est tellement plus lumineux maintenant”, se félicite Marianne Wiiburg Setterblad en nous faisant faire le tour du propriétaire. Un éclairage moderne, des murs repeints de frais, des plafonds et des fresques qui ont trouvé une nouvelle jeunesse.
 
Depuis 2001, Marianne travaille ici, au cœur de la vieille ville de Stockholm. Elle est responsable de l’édition du gotha de la noblesse suédoise, qui paraît tous les trois ans. En ce moment, elle met la dernière main à l’édition 2025. C’est son huitième annuaire, autant dire qu’elle commence à avoir de la bouteille.
 
“Nous avons commencé en février en envoyant 18 000 lettres demandant aux intéressés de nous informer de tout changement survenu dans leur famille. Nous avons reçu environ 6 000 réponses. À quoi s’ajoutent les renseignements fournis par les services de l’état civil, que l’on intègre au fur et à mesure.”

Des milliers de pages d’histoire

Un véritable travail de fourmi. Marianne était seule au départ. Aujourd’hui, ils sont trois à lui prêter main-forte. Des milliers de pages d’histoire, des arbres généalogiques détaillés – professions, titres universitaires, dates de naissance, mariages, divorces, enfants, tout est répertorié, à l’exception des enfants de femmes nobles qui vivent non maritalement ou qui ont épousé un roturier. Eux n’ont pas droit de cité dans le Who’s Who.

 

“Ça peut sembler injuste, mais il faut préciser que le registre prend en compte la lignée et non la famille, et que les titres nobiliaires se transmettent par le père”, commente Marianne. L’annuaire liste tous les Suédois de sang bleu qui sont actuellement en vie – l’équivalent d’une feuille de présence, en somme. Les archives sont entreposées au sous-sol de la Riddarhuset, conservées là depuis plus de deux cents cinquante ans, renfermant toute l’histoire de ces lignées. Une vraie mine d’or pour les chercheurs et les curieux.
 
Le premier registre nobiliaire a été publié en 1854 grâce à Gabriel Anrep, un éminent généalogiste qui passe pour être le père de la discipline [en Suède]. Peut-être s’est-il inspiré des recueils des familles royales européennes. L’annuaire de la noblesse était très utile à l’époque où le standsriksdagen existait encore [ancien Parlement suédois qui représentait les quatre états – noblesse, clergé, bourgeoisie et paysannerie] pour savoir qui avait le droit de participer aux assemblées de l’aristocratie. “Certains y accordent une grande importance encore aujourd’hui, d’autres ne s’en préoccupent pas, et d’autres enfin ne veulent pas y figurer”, rapporte Marianne.

Une nouvelle chance

Tiré à 2 000 exemplaires, le registre est vendu 595 couronnes suédoises [51,50 euros] en précommande, ensuite 890 couronnes [77 euros]. Marianne n’est elle-même pas noble, mais ses grands-parents maternels vivaient au château d’Ericsberg, à la périphérie de Katrineholm [au sud-ouest de Stockholm], et elle s’y est souvent rendue enfant. Peut-être est-ce de cette époque que date son intérêt pour les vieilles histoires. Même si, comme souvent, c’est plutôt le hasard qui l’a guidée.

 

“Tout ce que je savais, après le lycée, c’était que je voulais faire mes études à Lund [en Scanie, dans le sud de la Suède]. J’avais quelques cousins plus âgés qui l’avaient fait – ce qui n’a joué aucun rôle, d’ailleurs !

 

Avec une amie, elle pose donc ses valises en Scanie. Elles trouvent un appartement mais ne sont pas admises à l’université. Marianne parvient cependant à se faufiler dans un cours de géographie culturelle. Peau d’âne en poche, elle devient chargée de mission à la direction du Patrimoine, où elle tombe sur une annonce pour un poste à la bibliothèque de la Riddarhuset. Elle y postule et essuie un refus. Mais la personne qui décroche le poste ne fait pas l’affaire et Marianne se voit offrir une nouvelle chance, qu’elle saisit avec succès cette fois.
 
Quand le rédacteur attitré du Who’s Who suédois prend sa retraite, Marianne se voit proposer de nouveau une nouvelle chance. Elle accepte. Elle a alors 30 ans. Elle en a 50 aujourd’hui. Ne s’est-elle pas lassée avec le temps ? “Non. Mais il faut dire que j’ai fait d’autres choses à côté. J’ai eu trois enfants adorables – que j’ai réussi à caser entre deux éditions. J’ai pris quelques congés pour convenance personnelle et j’ai travaillé sur d’autres projets avec ma propre maison d’édition.”
 
La maison en question, Hemera, édite sans surprise des livres spécialisés dans l’histoire, la culture et l’art. Il s’agit soit de commandes, soit d’idées de Marianne. C’est elle, par exemple, qui a eu l’idée de rééditer Pinntorpafruns minnen [“Le souvenir de la dame de Pinntorp”, inédit en français]. “Le livre avait été écrit par mon arrière-grand-oncle dans les années 1940 et retrace l’histoire du château d’Ericsberg [qui s’appelait autrefois Pinntorp] à travers le fantôme qui le hantait, celui de Beata von Yxkull, plus connue sous le nom de ‘Pinntorpafrun’ [‘dame de Pinntorp’]. Je sentais qu’il fallait que quelqu’un le réédite. Et puis, j’ai eu une illumination : pourquoi ne pas le faire moi-même ? Il y en aura d’autres comme ça à l’avenir.”
 
La noblesse conserve-t-elle une importance aujourd’hui ? “Non, plus aucune. On ne peut plus voir aujourd’hui la noblesse comme un groupe homogène, ce sont 28 000 individus. Ce que les nobles ont en commun, c’est que l’histoire de leur famille est bien documentée. Ce qui est bien.”
 
 
 
Par Maria Huldt
Publié le 10 novembre 2024