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France 3 : ""J'ai ressenti comme un vertige" : un tableau signé Eugène Delacroix découvert dans une maison familiale en Touraine"

18 mars 2025 Revue de presse
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Lors d'un inventaire dans une maison familiale de Touraine, le commissaire-priseur d'une étude d'Amboise a très vite repéré une huile sur toile représentant des lions. Qui s’est avérée, après expertise, être bien une œuvre de Delacroix, chef de file du romantisme dans la peinture française du 19ème siècle.

L'oeuvre (61 cm de haut sur 50 cm de large) représente 7 lions dans des postures paisibles. • © Daguerre Val de Loire

Accueilli dans le salon des vendeurs, le commissaire-priseur a tout de suite eu le regard attiré par une œuvre qui y était accrochée : une huile sur toile (61 cm de haut par 50 cm de large) représentant 7 lions dans des postures paisibles.

 

"Je n'arrivais pas à en dévier le regard, on sentait tout de suite qu'il ne s'agissait pas d'un tableau réalisé par n'importe qui. J'ai bien sûr commencé l'inventaire par cette œuvre, et les vendeurs m'ont expliqué qu'il se disait dans leur famille que Delacroix en était peut-être l'auteur. J'ai ressenti comme un vertige..." Malo de Lussac, étude Daguerre Val de Loire.

Delacroix passait des heures à observer les fauves dans la ménagerie du jardin des plantes, pour parvenir à capturer leurs postures. • © Studio SEBERT / Daguerre Val de Loire

"En retournant le tableau, j'ai trouvé sur la toile et le châssis le cachet de cire de l'atelier d'Eugène Delacroix, et toute la palette d'huile utilisée par le peintre", poursuit Malo de Lussac.

 

Mais un commissaire-priseur, bien sûr, ne peut se contenter d'un on-dit, aussi enthousiasmant soit-il. Il a demandé la permission de fouiller les meubles de la maison, à la recherche de documents permettant d'attester la provenance de l'œuvre. Et déniché deux vieilles lettres, signées par des experts de Delacroix, qui confirmaient que le maître était bien l'auteur de cette étude de lions.

Au dos du tableau, des essais de palette de l'artiste sur la toile et le châssis. • © Daguerre Val de Loire 

Malo de Lussac a ensuite pu emporter le tableau pour des recherches et expertises un peu plus poussées. Et il n'y a plus aucun doute :

"Il s'agit effectivement du lot 213 de la vente de l'atelier de Delacroix, organisée après sa mort. Nous connaissons tous les propriétaires successifs, la provenance est parfaite".

 

"C'est un peu le graal dans notre métier. On peut tomber à la rigueur sur un dessin ou une encre de Delacroix, mais une huile, jamais ! Ses œuvres sont exposées dans les musées. Au-delà de la valeur de ce tableau, de son estimation, c'est génial de retrouver une toile de maître. Avoir encore ce genre de surprise en 2025 en France, c'est complètement inattendu. Et c'est d'autant plus remarquable que cette œuvre n'a été exposée que deux fois, en 1864 pour la vente de l'atelier, et lors d'une rétrospective organisée la même année." Malo de Lussac, commissaire-priseur

La passion romantique pour les grands félins

Farouche et invulnérable, le roi lion incarne-t-il le romantisme ? Plusieurs auteurs ont vu, dans la fascination pour ce félin, une personnalisation de l'artiste connu pour sa nature nerveuse et passionnée, voire indomptable.

 

Mort à Paris en 1863, l'auteur de "La Liberté guidant le peuple" a cultivé au long de sa vie cette admiration pour les grands fauves. Lui et son ami le sculpteur Louis-Antoine Barye passaient des journées au Jardin des Plantes du Muséum d'Histoire Naturelle à observer tigres et lions, tentant de capturer leurs mouvements et postures. Et allant jusqu'à assister aux dissections lorsqu'un animal venait à mourir.

Eugène Delacroix (autoportrait), un lion indomptable ? • © Wikimedia Commons 

"On connaissait ses dessins au fusain, ou à l'encre, reprend Malo de Lussac, mais on est ici sur quelque chose d'inédit, une huile représentant une étude de lions c'est sans équivalent dans sa peinture. Je pense que ce tableau a pu lui servir de support de travail pour ses différentes œuvres, dont le fameux Daniel dans la fosse aux lions."

Une belle endormie que l'on va réveiller

En prenant la mesure de la valeur de cette œuvre, et de ce que cela impliquait en termes de frais d'assurance, de sécurité ou de conservation, ses propriétaires ont décidé de s'en séparer. Invisible aux yeux du public pendant 160 ans l'Etude de lions sera présentée le 27 mars prochain à l'Hôtel Drouot, avant d'être vendue aux enchères le lendemain.

 

"Personne n'avait pu voir ce tableau depuis 1864, à part les propriétaires qui n'étaient même pas sûrs qu'il s'agissait bien d'un Delacroix, se réjouit le commissaire-priseur. Je suis ravi de le présenter lors de l'exposition, c'est une belle endormie qu'on va réveiller, tout simplement !"

 

L'œuvre est estimée entre 200 000 et 300 000 euros. Malo de Lussac ignore pour l'instant si des musées français entendent se positionner pour l'acquérir.

 

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Par Patrick Ferret

Publié le 18 mars 2025