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Aleteia : "L’homélie des obsèques de Geneviève de Galard"

08 juin 2024 Revue de presse
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Les obsèques de Geneviève de Galard, "l'ange de Diên Biên Phu" morte à 99 ans le 30 mai 2024, ont eu lieu vendredi 7 juin en la cathédrale Saint-Louis-des-Invalides. "Par sa vie, Geneviève nous laisse un testament spirituel, un témoignage de foi, d’espérance et de charité", a affirmé Mgr de Romanet, évêque aux armées françaises, lors de son homélie. 

Diocèse aux armées françaises / Les obsèques de Geneviève de Galard ont eu lieu vendredi 7 juin 2024 à Saint-Louis-des-Invalides.

Les obsèques de Geneviève de Galard, infirmière militaire surnommée “l’ange de Diên Biên Phu” — bien malgré elle ! — en raison de son dévouement pendant la guerre d’Indochine, ont été célébrées vendredi 7 juin en la cathédrale Saint-Louis-des-Invalides, en présence de nombreux militaires. Pour Mgr de Romanet, évêque aux armées françaises, “que Geneviève ait reçu nombre de distinctions n’est que la traduction humaine d’une foi active, vivante, nourrie de la prière, de l’Évangile et de la vie fraternelle”. Une foi, a ainsi affirmé l’évêque lors de son sermon, “qui passe par le cœur pour s’incarner au service de ses frères de la plus belle des manières.

Chers Amis, 

 

Cet après-midi, en nous réunissant pour prier pour Geneviève de Galard, nous sommes dans la peine, mais nous sommes avant tout dans l’action de grâce et dans la confiance. Action de grâce pour ce que fut la vie de Geneviève parmi nous. Confiance radicale en la vie éternelle, par Jésus-Christ, mort et ressuscité pour nous ouvrir les portes du Ciel. Par sa vie, Geneviève nous laisse un testament spirituel, un témoignage de foi, d’espérance et de charité. C’est sans doute ce qu’elle désirait le plus au monde vous partager et vous transmettre, à vous ses chers enfants, et petits-enfants, et à nous tous. C’était une femme de Dieu, une femme de prière, une épouse et une mère sous le regard du Christ. Voilà qui éclaire ce que fut sa vie, une vie unifiée par un lien fort, constant et serein avec le Seigneur. 

 

Je salue tout particulièrement avec respect et affection son époux, Jean de Heaulme. Vous vous êtes marié avec Geneviève en cette église saint Louis des Invalides le 14 juin 1956, il y a 68 ans. Et depuis 68 ans, vous avez partagé la vie de Geneviève en chrétien, dans la lumière du Christ-Ressuscité. La musique, les chants, la Parole de Dieu de cette célébration, c’est vous deux qui les aviez choisis, ensemble, il y a déjà une vingtaine d’années.

 

Je salue également François, Véronique et Christophe, vous qui êtes les enfants de Geneviève et de Jean, vous qui avez partagé avec eux cette affection et cette foi chrétienne qui a marqué leur vie.

 

Geneviève, exemplaire de dévouement et de simplicité. Geneviève, incarnation féminine de la bravoure sous le feu et du sens de la mission au service des autres. Geneviève, l’ange de Dien Bien Phu. Geneviève devenue une icône, bien malgré elle. Geneviève, ancienne convoyeuse de l’air devenue grand-croix de la légion d’honneur. 

Un destin très ordinaire de chrétien, rencontrant l’extraordinaire d’une page historique de notre pays.

 

En évoquant Geneviève, son héritage humain et spirituel, son enracinement ancestral et familial je veux dire mon infini respect et mon immense admiration. Pour autant, éclairé par ses propres paroles et par sa famille, je pense que le plus bel hommage que nous puissions lui rendre, le plus beau témoignage qu’elle peut nous laisser est celui d’une chrétienne qui n’a accompli que son devoir.

 

Certes, Geneviève s’est trouvée entre le 28 mars et 24 mai 1954 dans un véritable enfer. Dien Bien Phu. La bataille la plus longue, la plus furieuse, la plus meurtrière de l’après seconde guerre mondiale. 15.000 soldats français. 3.000 morts sur place. 12.000 prisonniers dont 8.000 périront dans des conditions effroyables. 4.000 survivants pour témoigner de l’horreur absolu de ce déluge de feu, de fer, de boue, de sang et de larmes.

 

Le 29 avril 1954, en la faisant chevalier de la légion d’honneur, le général de Castries dit l’essentiel : « a suscité l’admiration de tous par son courage tranquille et son dévouement souriant. D’une compétence professionnelle hors pair et d’un moral à toute épreuve, elle fut une auxiliaire précieuse pour les chirurgiens et contribua à sauver de nombreuses vies humaines. Restera pour les combattants de Dien Bien Phu la pure incarnation des vertus héroïques de l’infirmière française ».

 

Le 30 avril 1954 elle est faite légionnaire honoraire de 1ère classe. Et le 24 mai 1954 elle est évacuée à Hanoï contre sa volonté. A son retour à Orly elle est acclamée et fait la couverture de Paris Match, et le 29 juillet 1954 elle reçoit à la Maison Blanche la médaille de la liberté après une mémorable parade dans les rues de New York.

Devenue une icône sous le vocable de « l’ange de Dien Bien Phu », Geneviève n’était dupe de rien. Elle déclare ainsi : « Jamais dans le camp retranché il n’est venu à personne l’idée de m’affubler de ce surnom éthéré. Recevoir ces honneurs me gêne vraiment, alors que je n’ai fait que mon devoir ».

 

Madame, quel honneur, quelle dignité, quelle classe ! Vous qui avez tant reçu, de Dieu, de votre famille, de votre pays, oui, vous le dites magnifiquement, vous n’avez fait que votre devoir, comme l’aurait fait des milliers, des millions d’infirmières, de femmes, de sœurs, de mères… en de telles circonstances. 

 

Dans ce camp retranché de Dien Bien Phu de 19 kilomètres sur 5 on a fini par manquer de tout, sauf de courage. Et vous le dites magnifiquement : au cœur de ce drame j’ai été un peu la mère, la sœur, l’amie. Vous avez fait tout ce qui était possible pour soulager les blessés et accompagner les agonisants. Vous avez donné le meilleur de votre cœur, de votre affection, de votre humanité, à chacun de ceux dont vous avez croisé les pas et dont vous avez fait activement votre prochain.

 

Madame, ce que vous avez fait est admirable. Innombrables sont les femmes qui ont fait de même au cours des siècles. Innombrables sont les femmes qui dans la déréliction des conflits armés d’hier, d’aujourd’hui et de toujours, ont comme vous donné le meilleur d’elles-mêmes dans un don sans limite et sans réserve. Et de même qu’il y a le soldat inconnu, il y a en France la convoyeuse de l’air grand officier de la légion d’honneur qui dans quelques minutes, dans la cour de l’hôtel national des invalides, va recevoir l’hommage de la Nation.

 

Madame, vous ne le saviez que trop, par vous ce sont toutes ces femmes admirables qui dans le secret des jours offrent leur vie au service de leurs frères qui sont aujourd’hui honorées, reconnues, remerciées.

 

La légende dit que vous étiez la seule femme au milieu de 15.000 hommes. Il est vrai qu’au départ vous n’avez pas été accueillie chaleureusement. Vous avez même été assez mal traitée ! Une femme, pensez-vous ! Mais les choses étant ce qu’elles sont, l’avion hors d’usage, l’évacuation impossible, on vous a laissé accomplir votre mission de soutien du moral des troupes face à l’immensité des pertes. 

 

Mais vous n’étiez pas seule. Une vingtaine de femmes étaient sur le camp. Tout le monde le sait et personne n’en parle. Des prostituées vietnamiennes et nord-africaines, qui ont collaboré aux soins des blessés avec un dévouement et un courage remarquable, jusqu’à leur propre massacre. Ces femmes se sont comportées avec une admirable dignité. Et vous n’avez cessé, Madame, de batailler pour que ces femmes puissent recevoir à titre posthume la croix de guerre et la médaille militaire. Votre fils François continue cette requête, dans la fidélité de votre mémoire.

 

Cette démarche qui ne vous a pas quittée envers ces 20 femmes du camp dit votre ouverture du cœur, votre humanité, votre bienveillance, votre solidarité, et votre pleine compréhension des réalités de la vie. Loin de vouloir accaparer la lumière, vous avez voulu utiliser les circonstances pour mettre en lumière ces femmes, devenues vos sœurs… qui avec vous ont partagé l’enfer.

 

Chère Geneviève, oui, magnifiquement, humblement, lucidement, vous n’avez fait que votre devoir. Et après 1954 vous êtes retournée à l’anonymat des jours, au gré des affectations militaires de votre époux, en femme et mère attentive et dévouée.

 

C’est le Président Giscard d’Estaing qui en 1980 vous sortira de cet anonymat et fera de vous une icône qui marquera notre époque. Conseillère de Paris durant 18 ans, vous avez manifesté un égal altruisme en temps de paix comme en temps de guerre, accomplissant votre devoir bénévolement avec une égale conviction, quelle que fut l’ombre ou la lumière, parceque ce qui éclaire votre vie cette votre relation vivante au Christ ressuscité. Il est, et lui seul, le chemin, la vérité et la vie. Il en fut de même pour votre époux engagé auprès des petits frères des pauvres durant de nombreuses années

 

Oui, avec votre époux, de bout en bout, vous n’avez fait que votre devoir, en chrétienne, animée d’une foi vivante, d’une vie de prière quotidienne, d’une charité active, d’une espérance vibrante. 

 

La vie de Geneviève s’offre pour nous en une illustration aussi simple et modeste que glorieuse et incandescente de ce qu’est une vie portée par plus grand qu’elle-même. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Évangile selon saint Jean 15,3).

 

La vie de Geneviève est bien celle d’une chrétienne. À la fois banale et extraordinaire. Normale et exemplaire. Parce que chaque baptisé est appelé à la sainteté. Parce que tout homme porte en lui l’aspiration au meilleur. Parce que chacun doit mener ce combat dans la claire vision du sens de son existence.

 

Hélie de Saint Marc, qui incita avec force Geneviève à écrire ses mémoires, résume cela en une expression saisissante : « Si un jour on doit ne plus comprendre comment un homme a pu donner sa vie pour quelque chose qui le dépasse, c’en sera fini de tout un monde, peut-être de toute une civilisation ».

 

Que Geneviève ai reçu nombre de distinctions n’est que la traduction humaine d’une foi active, vivante, nourrie de la prière, de l’Évangile et de la vie fraternelle. Une foi qui passe par le cœur pour s’incarner au service de ses frères de la plus belle des manières.

 

Ce fut son chemin à la suite du Christ. Puisse-t-il inspirer chacun d’entre nous, pour la gloire de Dieu, le salut du monde, et celui de chacune de nos âmes.

 

Geneviève a été accompagnée jusqu’au bout par les sacrements de l’Église. Deux jours avant son grand passage elle a reçu en toute conscience les derniers sacrements, entourée de l’immense affection des siens.

 

Nous savons que Geneviève durant toute sa vie a voulu aimer, avec son tempérament et son cœur – et nous savons que le Seigneur de toute grâce et de toute bonté accueille chacun comme il est : « dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ». Nous savons aussi que sa vie, comme toute vie humaine, a besoin devant Dieu d’être pardonnée, d’être purifiée, d’être transformée. Mais nous savons aussi et surtout que le Seigneur est tendresse et pitié, que son amour sur ceux qui le craignent est de toujours à toujours. 

 

La seule question que le maître de l’univers nous fera nous poser au terme de nos existences terrestres tient en peu de mots : « as-tu aimé » ? Mais Seigneur, comment faire ? Seigneur nous voudrions nous aussi aimer par toute notre vie, et nous sentons combien cela nous est difficile. Seigneur, comment pourrions-nous savoir le chemin ? « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. » nous dit Jésus. 

 

Geneviève avait une grande dévotion pour sainte Jeanne d’Arc. Elle a quitté ce monde au jour de la fête de cette grande figure de sainteté.

 

Geneviève avait une immense dévotion pour la Vierge Marie. Le « Je vous salue Marie,  … », elle le disait, elle le vivait. Et Marie l’a ainsi accompagnée jusqu’au dernier souffle dans la paix et la lumière de son Fils. « Je vous salue Marie, pleine de grâce. Le Seigneur est avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et Jésus le fruit de vos entrailles est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort ». 

 

« Maintenant, et à l’heure de notre mort ». Pour qu’en nos vies, sur cette terre, puis au-delà, rien, jamais, ne nous sépare de l’amour de Dieu.

 

Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Amen

 

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Par La rédaction d'Aleteia

Publié le 8 juin 2024