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Le Figaro Magazine : "Château de Beauregard : l’éclat retrouvé de la galerie des Illustres"

15 juin 2024 Revue de presse
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Les 327 tableaux de la galerie des portraits de ce joyau du Val de Loire constituent une curiosité unique en Europe. Grâce à la détermination de ses propriétaires, les voici superbement restaurés.

Guy du Pavillon, propriétaire de Beauregard, surveille de près l’installation des derniers portraits restaurés de la galerie des Illustres. Stephan Gladieu pour le Figaro Magazine  

Louis XI, Henri II, Diane de Poitiers, Philippe IV d’Espagne, Charles Quint… La galerie des Illustres de l’élégant château de Beauregard, situé dans le Loir-et-Cher, à mi-chemin entre Blois, Cheverny et Chambord, est un peu le Who’s Who du XVII siècle. Une sorte de TikTok des célébrités du moment. Alignés les uns à côté des autres, les visages des hommes et des femmes ayant marqué l’histoire des années et des siècles passés sont à jamais figés, impassibles. 327 portraits, au total, livrés entre 1617 et 1638, décorent l’immense galerie de 26 mètres de long par 6 de large, superbement ornée d’un plafond à solives à la française dont le bleu éclatant a été obtenu à partir d’une précieuse poudre de lapis-lazuli. Au sol, 5600 carreaux de faïence de Delft figurent les soldats d’une armée en marche sous le règne de Louis XIII.

 

Et au mur, donc, cette étonnante frise imagée rassemblant le gratin de l’époque: des monarques de France (depuis le règne de Philippe VI de Valois jusqu’à celui de Louis XIII) et d’ailleurs (Barberousse, Soliman…), des personnalités marquantes de la cour, des seigneurs de l’époque, des conquistadors (Christophe Colomb, Pizarro…), des hommes d’Église ou de lettres… Beauregard détient la plus complète et la plus exhaustive galerie de portraits conservée à ce jour en Europe. Un chef-d’œuvre du XVII siècle français que les visiteurs peuvent découvrir sous son meilleur aspect, alors que la restauration de l’ensemble des tableaux vient d’être achevée (le château de Beauregard est ouvert à la visite huit mois par an).

L’esprit de la Renaissance

«Tous les portraits ont été patiemment restaurés depuis 1986, explique Guy du Pavillon, propriétaire passionné du château de Beauregard, acquis par son arrière-grand-mère durant l’entre-deux-guerres. Les derniers tableaux ont été raccrochés au printemps dernier. Ce sont mes parents qui ont initié ce travail colossal que nous avons poursuivi, avec mon épouse Natalie, lorsque nous avons repris le flambeau il y a une dizaine d’années. Il est très émouvant pour notre famille de voir ce long travail enfin achevé. Voilà désormais le joyau de Beauregard parfaitement mis en valeur.»

Construit en 1550, Beauregard servait de relais de chasse à François Ier. Stephan Gladieu pour le Figaro Magazine  

C’est à un certain Paul Ardier que l’on doit cette étonnante galerie. Contrôleur des guerres et trésorier d’Henri IV, il avait acquis Beauregard en 1617. La fortune considérable de Paul Ardier lui permit de poursuivre d’importants travaux d’embellissement de cet ancien relais de chasse de François Ier , construit en 1550 et dont les terres voisinent avec celles de Chambord. Il l’agrandit en créant deux nouvelles ailes, mais aussi divers bâtiments annexes (écuries, communs, hangars…). Mais c’est avant tout sa galerie de portraits qui lui permettra d’imprimer son empreinte sur les lieux.

 

«C’est un projet éminemment humaniste, qui s’inscrit dans l’esprit de la Renaissance. Ces portraits constituent la collection de l’honnête homme de l’époque, cultivé, animé du désir de comprendre et d’englober le monde, explique Hélène Lebédel-Carbonnel, inspectrice des patrimoines et de l’architecture au ministère de la Culture et conservatrice des Monuments historiques (Indre et Loir-et-Cher). Cette galerie rassemble des figures inspirantes dont l’exemple devait conduire l’humanité vers le Bien, des grands hommes qui constituaient des modèles politiques, intellectuels, spirituels… L’objectif était d’inciter les hôtes de Beauregard à réfléchir et à philosopher, à discourir des affaires du monde, comme aimait à le faire François Ier dans sa galerie du château de Fontainebleau.» Les galeries de portraits étaient particulièrement prisées à l’époque. C’est Catherine de Médicis qui en avait lancé la mode. Fidèle à la tradition florentine (on retrouve des galeries de portraits au palais des Offices, par exemple), la plus italienne des souveraines du royaume de France commandait à des artistes de nombreux portraits de ses enfants et des personnages de la cour, pour les exposer ensuite dans ses demeures.

Une pérennité garantie

«Il est remarquable que les tableaux de Beauregard n’aient pas été éparpillés dans différents musées et qu’ils soient restés en place, présentés dans leur décor initial de lambris peints et leurs plafonds, ajoute Hélène Lebédel-Carbonnel. L’ensemble qu’ils constituent est d’une grande richesse, d’autant qu’ont été conservées dans les archives les listes successives, établies par Paul Ardier, des personnages qu’il voulait voir figurer à Beauregard. Il réfléchissait, en choisissait certains, en rayait d’autres… Le dernier portrait lui a été livré l’année de sa mort.»

Cuisines et dépendances ont gardé le charme du passé. Stephan Gladieu  

Ces tableaux (de 55 cm par 45 cm en moyenne), Anne-Laure Feher, conservatrice-restauratrice de peintures, les connaît dans leurs moindres détails. C’est elle qui en a restauré la majeure partie, au cours des 28 dernières années, «l’âge de mon fils aîné» glisse-t-elle, émue. Une chance pour la galerie des Illustres: l’unité de l’ensemble en a été préservée. Le travail de restauration qu’elle a mené est remarquable. «À mon arrivée, un protocole a été établi avec le conservateur du château, explique Anne-Laure Feher. Les tableaux ont tous été rentoilés lors des campagnes de restauration, mais des améliorations ont été apportées au fil des années. On utilise beaucoup moins de solvants, par exemple. Les matériaux d’aujourd’hui assurent aux œuvres une bien plus grande pérennité.»

La galerie des portraits est restée intacte depuis sa création. Stephan Gladieu pour le Figaro Magazine  

La Conservation régionale des Monuments historiques a suivi le chantier depuis le début, tant sur le plan technique et scientifique que financier. Tout a été fait pour que l’ensemble soit transmis aux générations futures dans le meilleur état d’authenticité possible. «Ce qui ne veut pas dire que les portraits de Beauregard sont comme neufs», précise Natalie du Pavillon. C’est tout l’art des restaurations réussies!» Le prix de ce sauvetage de haute précision se situe entre 1500 et 2000 euros par tableau, soit un investissement global compris entre près de 500.000 et 650.000 euros. L’État a soutenu le projet à hauteur de 40 à 50 %, via les aides de la direction régionale des affaires culturelles (Drac), le reste a été financé sur fonds privés familiaux. «Il est très exceptionnel de voir des particuliers mener une restauration d’une telle ampleur sur près de quarante années, note Hélène Lebédel-Carbonnel. C’est notre rôle d’apporter un soutien aux propriétaires privés, dès lors qu’ils s’investissent dans la préservation de biens représentant un intérêt collectif.»

20.000 visiteurs par an

C’est incontestablement le cas du château de Beauregard, classé dès 1840 sur la première liste des Monuments historiques et que ses propriétaires ont toujours eu à cœur de faire découvrir au public sous son meilleur jour. Alain et Anne-Marie du Pavillon, les parents de Guy, ont fait appel au célèbre paysagiste Gilles Clément pour imaginer à Beauregard un jardin contemporain, dit jardin des portraits, où les buis sont rois ; mais aussi les très belles perspectives du parc, dans la continuité de l’existant, créé au XIX siècle. Des arbres remarquables ont été dégagés (dont un majestueux cèdre du Liban), d’autres ont été plantés pour structurer l’espace, créer d’heureux alignements…

La restauration de chacun des portraits a coûté entre 1500 et 2000 euros. Stephan Gladieu pour le Figaro Magazine  

Cet écrin de verdure, que les visiteurs peuvent découvrir, est aujourd’hui classé à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Débordants d’énergie, Guy et Natalie du Pavillon multiplient les initiatives pour enrichir leur proposition de visites et faire découvrir aux 20.000 visiteurs qui viennent chaque année à Beauregard cette demeure qui peut se flatter d’avoir accueilli Louis XIV ou encore le cardinal de Richelieu. «Nous essayons d’offrir quelque chose d’un peu différent des autres monuments historiques qui nous entourent, explique Guy du Pavillon. Les gens recherchent de l’authenticité, du calme, la possibilité de suivre des visites guidées, de se distraire avec des livrets-jeux mais aussi de profiter librement du parc et de se restaurer sur place.»

 

Pour enrichir les visites, un travail a été lancé ces dernières années afin de reconstituer, sur la base d’un recueil du XVIIe siècle, la biographie de l’ensemble des personnages de la galerie. En guise de clin d’œil, une nouvelle galerie a par ailleurs été inaugurée, consacrée aux chiens de stars, photographiés par Antoine Schneck. Parmi ces illustres canins immortalisés sur fond noir: Moujik IV d’Yves Saint Laurent, Loopy de Daniel Auteuil, Dash de Stéphane Bern, Uma d’Isabelle Adjani… Eux aussi, désormais, mènent la vie de château à Beauregard.

 

Parc & Château de Beauregard, 12, chemin de la Fontaine, 41120 Cellettes (02.54.70.41.65 ; Instagram/chateaudebeauregard et Facebook/chateaudebeauregard). Ouvert à la visite jusqu’au 11 novembre. Horaires des visites guidées et théâtralisées.

 

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Par Ghislain de Montalembert

Publié le 15 juin 2024