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Le Figaro : "Comte, marquis, duc… Savez-vous ce que signifient ces noms de titres ?"

05 mars 2024 Revue de presse
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Ces titres de noblesse ont perdu de leur signification historique pour devenir honorifiques. Connaissez-vous leur origine ?

On compte aujourd'hui plus de 4000 membres descendants de l'ancienne noblesse française. / Bridgeman Images  

«Prince, duc, comte, marquis, vicomte, vidame, baron, chevalier, messire, écuyer, noble…» Tels sont listés les titres hiérarchiques de l’Ancien Régime dans le décret d’abolition de la noblesse héréditaire du 19 juin 1740. On parle alors de titres réels ou de titres nus. Les premiers sont les titres de noblesse fondés sur l’acquisition de fiefs de dignité (duché, marquisat, comté, vicomté ou baronnie). Quant aux titres nus, ils ne reposent pas sur la possession de domaines : ils peuvent en effet être personnels ou transmissibles, et donc transportés à la descendance. C’est le cas des titres de «chevalier», «messire», «écuyer», «noble».

 

Selon l’Association de la noblesse française (ANF), ils étaient peu nombreux à porter un titre de noblesse au Moyen Âge. De nouveaux titres ont été ensuite créés par les différents régimes successifs : Ancien Régime, Premier Empire, Restauration, Louis-Philippe, Second Empire. «C’est ainsi que l’on compte selon certains auteurs, des princes ou ducs aux barons, 5 titres créés par Louis XII, 12 par François Ier, 12 par Henri II, 39 par Charles IX, 34 par Henri II, 68 par Henri IV, 106 par Louis XIII, 623 par Louis XIV, 447 par Louis XV, 66 par Louis XVI. La durée exceptionnelle du règne de Louis XIV n’est pas étrangère au nombre important de titres. Au XIXe, avec l’Empire c’est l’inflation !», note l’ANF. Si aujourd’hui, le titre n’est pas reconnu par la République, il garde un côté honorifique. On compte aujourd’hui plus de 4000 membres descendants de l’ancienne noblesse française. Mais que signifient-ils littéralement ? On fait le point.

Le prince

Il faut remonter à l’Empire romain pour trouver l’origine de ce mot. Est «prince» celui qui est «premier par le sang ou par le rang», précise le Trésor de la langue française. Le mot nous vient du latin «princeps», c’est-à-dire «qui occupe la première place», d’où le sens particulier de «princeps senatus» pour «prince du sénat». Sous le règne de l’empereur Auguste, le mot devient synonyme d’«empereur» car ce dernier qui occupait la fonction de prince du sénat avait concentré tout le pouvoir entre ses mains. Puis, dans le cadre de la féodalité au XIIe siècle, le mot est repris avec le sens de «celui qui possède une souveraineté». À partir du XVe siècle, il désigne celui qui règne, quasi synonyme du «souverain, qui exerce le pouvoir réel» et parfois de «roi». D’où les expressions courantes telles que «le jeu du prince», «le fait du prince» (formule issue du XIXe siècle qui désigne l’arbitraire du pouvoir). En France, il s’agit du titre de noblesse le plus élevé.

Le duc, le «chef»

On associe souvent le duc à celui qui est à la tête d’une armée. Du latin «dux, ducis», dérivé du terme «ducere» («mener» ou «conduire»). Le mot «duc» signifie «conducteur, guide», d’où «chef, général» qu’on associe souvent à ce titre. Durant l’Empire romain, le duc est le «gouverneur d’une province de l’empire». Puis à l’époque des Mérovingiens, au VIIe siècle, il désigne le délégué du roi pour les affaires militaires et la justice dans une circonscription formée de plusieurs comtés, indique le Dictionnaire historique de la langue française. Durant le haut Moyen Âge, il désigne celui qui est à la tête d’une armée, d’une tribu ou/et celui qui gouverne une circonscription administrative supérieure au comté. Sa fonction évolue progressivement, à partir du XIIIe siècle, pour indiquer celui qui a le gouvernement d’un territoire (le duché) et relevant en principe du roi. Avec l’abandon des institutions féodales, l’époque moderne et contemporaine fait du duc soit le prince d’une maison souveraine portant le titre de duc, soit celui qui porte le titre de noblesse honorifique le plus élevé, après celui de «prince».

Le comte, le «compagnon»

Il est le «compagnon», celui qui est «lié, au service de quelqu’un», que ce soit un magistrat, un empereur romain, avant de devenir le représentant de ces hauts personnages, chargé de certaines fonctions publiques, parfois militaires. Le mot est en effet issu du latin «comes», «comitis», c’est-à-dire «celui qui va avec». La notion de «marche» présente dans le terme «comes» a disparu de l’usage pour le sens large de «compagnon», rappelle le Dictionnaire historique de la langue française. Avec les Mérovingiens et les Carolingiens, le terme de «comte» évolue pour désigner le titre donné à de hauts dignitaires, notamment les «comites palatii» («dignitaires du palais»). Ce n’est qu’à partir du IXe siècle, avec l’affaiblissement du pouvoir royal, que le mot s’applique à celui qui possède indépendamment un fief (comté), apprend-on via le Trésor de la langue française. Il recevait souvent du roi ou du duc un commandement civil ou militaire. En effet, «comte» et «baron» étaient les principaux titres pour désigner les grands vassaux. Sa définition féodale s’est ensuite modifiée pour ne désigner plus que le titre de noblesse de celui qui se situe entre le marquis et le vicomte.

Le marquis, «gouverneur d’une marche»

Situé au-dessus du comte, le «marquis» est également un comte mais doté de pouvoirs militaires lui permettant de lever le contingent de l’armée, et ce, sans avoir reçu l’ordre du souverain. Pourquoi ? Car il s’agissait souvent d’un gouverneur militaire préposé à la garde des provinces ou villes frontières appelées «marches» ou «marquisat». C'est de là que vient le nom de «marquis» emprunté au XIe siècle au germanique «marka» («signe marquant une limite», «frontière»). Il lui fallait donc avoir la possibilité de disposer d’une réaction militaire rapide sans demander d’autorisation en amont. Le nom de «marche» était appliqué historiquement au district militaire en marge d’un pays ennemi qui avait à sa tête des «margraves» (ancien titre de princes souverains d’Allemagne) ou des «marquis». Au XIIIe siècle, le titre «marquis» est utilisé comme titre de noblesse héréditaire chez les Italiens, «marchese». À noter que le mot italien avec lui-même modelé sa finale «-ese» d’après l’ancien français «marchis» (attesté au XIe siècle) et supplanté par «marquis». Le mot est ensuite devenu un titre seigneurial lié à la possession d’une terre au XVIIe siècle, puis un «simple» titre de noblesse situé après celui de duc et avant celui de comte. Par analogie, le mot a ensuite été appliqué à un personnage ridicule à force de prétention et de fatuité, mis en scène par la comédie pour dénoncer les travers de certains courtisans. Raffinés, élégants et affectés, on les appelait alors ironiquement «marquis» ou «petit marquis».

Le baron, «l’homme brave, valeureux»

Le mot nous vient du germanique «baro» qui signifie l’«homme libre» ou «mercenaire», qui se rattache à l’ancien norrois «berja» pour «frapper, tuer». Emprunté au Ve siècle lors de l’invasion de la Gaule du nord au francique «baro», le terme «sacebarones» («sace» vient probablement de l’ancien norrois «saka» pour «accuser, lutter» d’où «sace» qui signifie «litige, procès») désignait les personnes chargées de la perception des amendes judiciaires. Il est attesté dans la Loi salique au sens de «fonctionnaire subordonné au comte». Les «barons» sont les nobles du royaume, les vassaux issus de la noblesse. Au XIIe siècle, il prend étonnamment le sens sémantique d’«homme brave, valeureux», de saint puis d’époux. Puis le titre de noblesse supplante peu à peu dans la France féodale le sens premier d’«homme». La valeur de «grand seigneur vassal d’un souverain» survit en histoire. Par analogie, se dit d’un homme puissant dans son domaine.

 

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Par Le Figaro

Publié le 5 mars 2024