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Le Figaro étudiant : "Avoir un nom à particule multiplie vos chances d'entrer dans une grande école - l'avantage est saisissant"
Selon une étude, avoir un nom à particule, tel que "de", "du", "des", "de la", augmente significativement les chances d'intégrer l'un des établissements les plus prisés de France.
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"De bonnes notes au lycée sont essentielles pour intégrer les meilleures écoles." Certes, les résultats scolaires comptent, comme le montre la concurrence féroce sur Parcoursup, mais ce n'est pas la seule condition pour entrer dans un établissement d'excellence. De nombreuses études ont en effet révélé les limites de la méritocratie française.
"En France, le concours a longtemps été considéré comme un moyen de garantir la méritocratie républicaine, en permettant un accès juste et équitable aux formations les plus prestigieuses", expliquent les auteurs d'une étude publiée en 2022 et intitulée "Grandes écoles : des politiques d'ouverture sociale en échec". "Cette vision positive de la méritocratie fait cependant l'objet de vives contestations en raison de l'ampleur et de la persistance des inégalités sociales d'accès aux filières les plus sélectives : les classes préparatoires et les grandes écoles."
Dans une thèse publiée fin 2021, portant sur "Les grandes écoles au XXe siècle, le champ des élites françaises", l'économiste Stéphane Benveniste indiquait que les chances d'intégrer l'un des établissements parmi les plus prisés en France (Sciences Po, l'ENS Ulm, Polytechnique…) sont multipliées par 83 si le père du candidat est diplômé d'une très grande école. Dans le détail, la probabilité d'intégrer, par exemple, l'ENA, renommée aujourd'hui l'Institut National du Service Public (l'INSP), est multipliée par 330 si le père de la personne a lui-même fait cette école.
Attention toutefois à ne pas noircir le tableau : une étude parue en 2018, menée par les chercheurs Julie Falcon et Pierre Bataille, a révélé qu'au cours du 20e siècle, les écoles ont progressivement ouvert leurs portes à d'autres classes sociales. Selon l'étude, les étudiants de classes sociales les plus favorisées ont vu diminuer leurs chances d'entrer dans ces établissements par rapport aux candidats de milieux plus modestes. Précisément, pour une femme née entre 1930 et 1939, la probabilité d'intégrer une grande école était 16,5 fois supérieure pour une CSP+ que pour une femme issue d'une famille ouvrière. Pour celles nées entre 1980 et 1984, cette probabilité n'était plus que 5,5 fois supérieure. Il est à noter que cette étude porte sur un périmètre de grandes écoles plus large que celui étudié par l'économiste. Pour rappel, en près d'un siècle, les "grandes écoles" se sont multipliées, jusqu'à en compter plus de 230 aujourd'hui.
Reste que sur des aspects bien spécifiques, des inégalités persistent voire se renforcent. Dans sa thèse, Stéphane Benveniste, lui, ne s'est intéressé qu'à douze grandes écoles parmi les plus sélectives. Ses résultats montrent qu'une inégalité s'est accentuée au cours du temps : celle liée au lieu de naissance. Les jeunes natifs de Paris ont en effet encore plus de chances que les non-Parisiens d'intégrer une grande école comme l'École Normale Supérieure, Telecom Paris ou encore l'Essec qu'il y a un siècle : 9 fois plus pour un Parisien né entre 1891 et 1915, contre 15 fois plus pour un Parisien né entre 1971 et 1995. Un résultat qui n'étonne pas, puisque c'est à Paris que l'on retrouve les lycées les plus sélectifs et recherchés. Or, avoir fait sa scolarité dans un bon lycée est un sérieux avantage si l'on vise une grande école. Ces inégalités se traduisent même dans le nom de famille : selon l'étude, avoir un nom à particule, tel que "de", "du", "des", "de la", multiplie par sept la probabilité d'intégrer une très grande école. Là encore, rien de très surprenant, vu la surreprésentation des personnes ayant un nom à particule dans la capitale : dans certains bureaux de vote du 7ᵉ arrondissement, les noms à particule représentent plus de 10% des électeurs, contre 0,8% pour l'ensemble de la population française, d'après une étude du sociologue Baptiste Coulmont.
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Par Camille Pineau
Publié le 24 novembre 2024