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Le Figaro : "Grand Trophée Dassault 2024 : au château de Tanlay, dans l'Yonne, l'harmonie au fil des siècles"

20 octobre 2024 Revue de presse
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REPORTAGE - Décerné chaque année, ce prix organisé par la Fondation Mérimée, Le Figaro Magazine et Propriétés Le Figaro, a été remis à Gérault et Diane de Sèze, qui se battent pour redonner une nouvelle jeunesse au château de Tanlay, dans l'Yonne.

Le château de Tanlay, dans l'Yonne, témoin intact de la Renaissance et du XVIIe siècle. Eric Sander  

Gérault de Sèze raconte volontiers son coup de foudre pour Tanlay. Parvenu en train jusqu'à la petite gare (disparue depuis) de cette commune de l'Yonne, à quelques kilomètres des vignobles de Chablis, c'est à vélo qu'il a emprunté pour la première fois la majestueuse allée bordée d'un double alignement d'arbres qui mène au château, niché au cœur du village. Tanlay, bien qu'ancienne place forte défendant les terres de Bourgogne, ne se voit pas de loin : c'est un château de fond de vallée qui se découvre avec émerveillement, presque par surprise. « Je n'avais alors que 22 ou 23 ans. J'étais amoureux de Diane ; je suis aussitôt tombé amoureux du château de ses parents en franchissant les grilles de ce monstre de pierre, mélange de puissance et de grâce », raconte Gérault qui, depuis 2019, veille avec son épouse sur la destinée des vieilles pierres de Tanlay. 

 

Sans cet entrepreneur parisien, ce chef-d'œuvre de l'architecture française des XVIe et XVIIe siècles aurait peut-être été vendu, à la suite du décès, en 2012, de Jehan de La Chauvinière, le père de Diane. Il a fallu convaincre les frères et sœurs de celle-ci de céder leurs parts respectives pour que le couple puisse être seul maître à bord et que Tanlay (avec son mobilier, toujours en place, bien qu'encore en indivision) demeure dans la famille, comme c'est le cas depuis 1704. Marguerite de Tanlay, dernière marquise de Tanlay, était en effet la grand-mère de Diane. « Tanlay appartient à ce groupe de châteaux magnifiques bâtis non pour le roi, mais par les grands administrateurs des finances royales, écrit Claude Mignot, auteur de Château de Tanlay. Une beauté parfaite (Éditions de l'Esplanade). Beaucoup sont détruits ou gravement altérés ; pour être resté entre les mains de la même famille depuis le début du XVIIIe siècle, Tanlay est presque intact. C'est ce qui fait tout son prix. » 

Un château protestant

C'est en 1535 que l'ancien domaine féodal de Tanlay devient la propriété de Louise de Montmorency, veuve du maréchal Gaspard de Coligny. De 1550 à 1558, son plus jeune fils, François de Coligny d'Andelot, entreprend de transformer l'ancien château en demeure de plaisance, avec le soutien financier de son frère, Gaspard de Coligny, converti à la Réforme et devenu l'un des chefs militaires du parti protestant. C'est à Tanlay que ce dernier décida de tenir conseil avec ses alliés, dans la tour dite de la Ligue, où l'on peut admirer une étonnante fresque, attribuée à l'école de Fontainebleau, représentant sous les traits de divinités grecques de l'Olympe, les principaux personnages de la cour de Catherine de Médicis et de Henri II. En 1642, Tanlay est vendu au surintendant des finances de Mazarin, Michel Particelli d'Émery, qui confie à Pierre Le Muet, l'architecte du Val-de-Grâce, d'importants travaux d'agrandissement et d'embellissement. Ce dernier fait élever, entre 1642 et 1650, l'aile droite du bâtiment selon un plan symétrique en forme de U encadrant la cour d'honneur. 

 

« Le choix décisif de l'architecte et de son commanditaire a été de dupliquer quasi intégralement ce qui avait été construit du temps de François d'Andelot, au risque de bâtir un château d'architecture désuète, détaille Claude Mignot. Cependant, pour Particelli, fils de marchand d'origine italienne, achever un château commencé par un Coligny, c'est se rattacher à l'une des plus illustres lignées de la noblesse française. » C'est à Le Muet que l'on doit également le parterre et le grand canal de 500 mètres de long, dont la perspective s'achève sur un monumental nymphée. C'est lui encore qui introduit Rémy Vuibert auprès de Particelli. Le peintre ordinaire du roi réalise à Tanlay la galerie, décorée de splendides grisailles en trompe-l'œil. Le domaine est alors au fait de sa prospérité. Il sera érigé en marquisat au profit de Louis Phélypeaux de La Vrillière, gendre de Particelli ; puis cédé en 1704 à Jean Thévenin, conseiller de Louis XIV et gouverneur de Saint-Denis. Une lettre, signée du sceau de Louis XIV, confirme M. Thévenin dans sa qualité de marquis de Tanlay. Elle est précieusement conservée dans la salle d'archives du château, dans un vieux carton un peu poussiéreux portant le chiffre 1 sur la tranche. 

Un projet de vie

Gérault et Diane de Sèze à côté du premier marquis de Tanlay, dans la Grande Galerie décorée de grisailles en trompe-l'œil peintes par Rémy Vuibert. Eric Sander  

Pourquoi, de nos jours, se mettre sur les épaules un château aussi lourd à préserver que Tanlay ? « C'est un vrai projet de vie», lance Diane, traversant d'un pas énergique la grande cour d'honneur aux pavés jadis foulés par des générations de soldats, d'hommes et de femmes de pouvoir, de diplomates, d'esthètes, de passionnés… Le genre d'héritage qu'on ne peut ni renier ni laisser tomber entre des mains inconnues. D'autant que ses parents, et avant eux ses grands-parents, ont œuvré avec passion pour préserver la propriété familiale. Lorsqu'ils ont hérité de Tanlay, en 1977, Jehan et Brigitte de La Chauvinière se sont attelés à de lourds travaux, comme la restauration des couvertures et de la façade ouest du petit château d'entrée, dans le pur style maniériste ; ou encore, en 1995, le sauvetage du nymphée, dont l'escalier et les balustres ont été refaits. En mars 1999, à la suite des inondations de l'Armançon, une partie du mur des douves s'effondra. II fut reconstruit, en 2006, sur une longueur de 70 mètres. Jusqu'à ce qu'une nouvelle inondation, en 2008, ne le fasse à nouveau chuter ! 

 

Au moment du passage de flambeau, en 2019, le château de Tanlay n'avait cependant plus connu de grands travaux depuis dix ans : les toitures du logis étaient fuyardes, de nombreux pigeons y avaient élu domicile ; le chéneau ouest était percé, des huisseries manquaient à l'appel, de même que des pierres de parement, notamment sur les corniches ; les 7 kilomètres du mur d'enceinte étaient couverts de végétation – voire écroulés à certains endroits –, plusieurs arbres du parc dans un état inquiétant. « C'est avec une certaine humilité que nous avons abordé Tanlay, en 2019. Il nous fallait prendre un peu de recul et commencer par l'étudier, explique Gérault de Sèze. Outre les recherches menées dans les archives, nous avons lancé un relevé de géomètre qui a nécessité quatre mois de travail. Nous avons également diligenté un schéma directeur d'aménagement réalisé par l'atelier Cairn et Paul Barnoud, architecte en chef des Monuments historiques. Il nous a permis d'établir un diagnostic du bâtiment, de classer les différentes priorités sanitaires mais aussi de formaliser notre vision. » 

Préparer l'avenir avec sérénité 

Restauré en 2006, le mur des douves n'a pas résisté aux inondations deux ans plus tard. Collection personnelle  

L'urgence concernait le mur des douves, écroulé depuis 2008. En 2023 et 2024, Gérault et Diane de Sèze ont entrepris de faire reconstruire celui-ci sur 75 mètres de long par les équipes de l'entreprise Marquis, du nom de la famille de maçons (les Marquisi) venus s'installer à Tanlay au XVIIe siècle, « dans les valises » de Particelli, pour construire le château ; leurs descendants sont toujours à l'œuvre ! Pour assurer une solidité à toute épreuve à l'ensemble, un contre-mur de béton a été bâti. Coût global de l'opération : 1,3 million d'euros, dont 40 % ont été pris en charge par la Drac. Infatigables, les Sèze ont aussi redonné une nouvelle jeunesse à la chapelle (révision de la toiture du dôme, changement des vitraux, réfection des stucs), de même qu'à la fameuse tour de la Ligue, dont la toiture a fait l'objet d'une révision complète. Les pierres de parement du pont dormant arrière, gélives, ont été changées – « juste avant le mariage de notre fille, l'été dernier », glisse Diane de Sèze – et les murs d'enceinte donnant sur le village ont été restaurés sur plus de 150 mètres. 

 

« Notre ambition est de transmettre à nos quatre enfants, comme à nos visiteurs, notre passion pour ce monument tout à la fois historique et familial, mais aussi de confier aux générations futures un domaine pérenne et autonome financièrement », reprend Diane de Sèze. D'où l'idée de rentabiliser les gigantesques communs et écuries, bâtis eux aussi selon les plans Le Muet. Leur état sanitaire est préoccupant. Les Sèze s'apprêtent à les restaurer, pour y développer un accueil touristique et d'hébergement. Les hôtes pourront ainsi profiter des activités déjà existantes sur la propriété (golf, pêche, balades à vélo ou à cheval…). 

« Dès l'année prochaine, annonce Gérault de Sèze, nous commencerons ces travaux qui permettront aux visiteurs de découvrir un Tanlay résolument tourné vers l'avenir ! »

 

Chateaudetanlay.fr

 

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Par  Ghislain de Montalembert et Eric Sander

Publié le 20 octobre 2024

Pour Le Figaro Magazine

La chambre du marquis de Tanlay et sa cheminée sculptée de masques grotesques. Eric Sander  

Comme posé sur l'eau, le château de Tanlay dispose d'un système hydraulique complexe alimentant les douves. Eric Sander  

En 2023, le mur des douves a été refait dans les règles de l'art. Eric Sander  

Les communs vont être transformés en hébergements touristiques. Eric Sander  

Le vestibule à colonnes, dit des Césars. Eric Sander  

Une architecture de formes, toute en rondeur et en symétrie. Eric Sander  

La salle des trophées. Eric Sander  

La bibliothèque, juste à coté de la chambre du marquis. Eric Sander  

La chapelle, située dans la tour ronde en saillie sur les douves, a été restaurée en priorité. Eric Sander  

Dans la tour, dite de la Ligue, la voûte peinte du cabinet de l'Olympe, attribuée à l'école de Fontainebleau. Eric Sander