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Le Figaro : "Il revient d’un tour du monde à la voile et produit l’un des meilleurs rosés de Bandol : rencontre passionnante avec Jean d'Arthuys"
L'ancien directeur de Paris Première, de W9 et des Girondins de Bordeaux conjugue avec succès deux passions : le vin, avec le Domaine de Terrebrune en appellation Bandol, et la voile, en venant de boucler avec son voilier Triana la mythique course Ocean Globe Race.
«Pour le vin comme pour la voile, il faut apprendre à rapprivoiser la patience», Jean d'Arthuys. Laura Stevens
C'est un homme qui flotte entre deux mondes. Il est là, pourtant, yeux d'azur plantés dans les vôtres, fossettes en embuscade, rires et anecdotes en cascade. Mais quelque chose d'infiniment absent nimbe sa présence. Sans doute parce que Jean d'Arthuys, entrepreneur, ex-patron de Paris Première, de W9 et des Girondins de Bordeaux, rentre à peine d'une expérience aux confins de l'humain : l'Ocean Globe Race, ex-Whitbread. Une course à la voile mythique, dont le parcours fait le tour du monde avec escales, traçant à travers les mers du Sud, les quarantièmes rugissants et les cinquantièmes hurlants. Sa particularité : n'accepter aucune assistance humaine ou technique, aucun ordinateur ou satellite. La course en mer dans ce qu'elle a de plus noble, de plus extrême, de plus dangereux. Son bateau, le Triana, un Swan 53 – portant beau sa grande voile floquée du nom Terrebrune, vignoble que Jean d'Arthuys possède en appellation Bandol – est parti de Southampton le 10 septembre dernier pour y revenir sept mois après, troisième de la course, ayant parcouru 27 000 miles (environ 45 000 kilomètres). À l'abri, sous le plancher, six bouteilles de Terrebrune – deux rosés, deux rouges, deux blancs – afin d'en observer, revenus à terre, le vieillissement dans ces conditions extrêmes.
La voile, le vin : pourquoi choisir entre ses deux passions quand, depuis l'enfance, elles vous animent d'un perpétuel feu intérieur et s'épousent à chaque instant ? D'un côté, la navigation. Jean d'Arthuys a 10 ans quand ses parents l'inscrivent chez les scouts marins. Chaque été, il navigue trois semaines en Bretagne avec son groupe, le Charcot.« J'y ai appris les bases fondamentales : tracer une route maritime avec la règle Cras, déchiffrer les cartes, calculer les marées… »
Initié au vin et à ses mystères
À 18 ans, il attend Olivier de Kersauson sur le canapé du hall d'accueil de RTL, où le marin enregistre l'émission Les Grosses Têtes et lui assène «Est-ce que je peux faire la Whitbread avec vous ?» Ce ne sera pas pour cette fois, mais Kersauson le recontactera et l'engagera plus tard comme équipier pour le trophée Jules-Verne. Dans le même temps, le père de Jean d'Arthuys, grand amateur de vins, initie ses (grands) enfants à son goût et à ses mystères. Jean d'Arthuys se souvient d'ailleurs avec émotion du cadeau paternel à l'occasion de ses 18 ans : une caisse de Château La Lagune 1966.
La deuxième passion de Jean d'Arthuys, le vin, est née. En 2020, elle va prendre racine sur les bords de la Méditerranée, au cœur des 35 hectares de mourvèdre, cépage roi de Bandol, plantés dans le massif du Trias. «J'ai eu un coup de cœur pour le domaine de Terrebrune , d'abord parce que Reynald Delille, avec lequel je suis associé à 50 %, produit d'excellents vins. Ensuite, parce que je trouve intéressant de hisser sur le podium une petite appellation et de m'insérer dans une culture familiale.» Ancien d'HEC, il a d'ailleurs suivi les cours de l'Université du vin pour affiner ses compétences.
Sept mois loin du monde
La terre et le vin ; la mer et la voile : pour lui, pas d'antagonisme, plutôt une concordance intime : «Il y a des similitudes entre les deux. Le rapport au temps, d'abord. Il faut rapprivoiser la patience : laisser les raisins mûrir au fil des saisons ; et savoir attendre que le vent se lève pour gonfler la voile. Ensuite, le lien avec la nature. La vigne dépend des conditions extérieures, craint le gel, le froid, la sécheresse. Même chose lorsqu'on est en mer, soumis aux humeurs de l'océan. Et puis, ce sont des univers de gens passionnés, allant jusqu'au bout d'eux-mêmes pour atteindre leur but. »
La mer pourtant s'avère bien plus dangereuse que la vigne. «Pendant la course, c'était difficile 80 % du temps : sommeil fractionné, nourriture lyophilisée, pas de douche durant 50 jours. Mais surtout, la peur de l'homme à la mer. En tant que skipper responsable de mon équipage de sept personnes – dont cinq jeunes de moins de 30 ans –, c'était ma terreur.»
De cette expérience surhumaine, nul ne peut rentrer indemne. D'où, revenu à terre, cette sensation de «flotter» encore un peu, comme il le dit joliment. «En mer, sept mois durant, nous n'avions aucune information, nous étions immergés dans une nature brute, sauvage et belle. Depuis mon retour, je suis heurté par la folie du monde. En même temps, j'éprouve une joie immense à avoir réalisé mon rêve d'enfant.» Désormais, Jean d'Arthuys fait partie du Club des 1 300 marins à avoir franchi le cap Horn. Cette étape mythique, son Triana, le plus petit des bateaux engagés, l'a remportée. «C'est le seul moment où nous avons débouché une bouteille de Terrebrune ! Robin Knox-Johnston, le Tabarly anglais, légende de la voile, m'a appelé pour me dire “Welcome to the Club”.»
Et maintenant, quel horizon attend Jean d'Arthuys ? Laisser le fracas des vagues s'effacer de ses rêves, développer Yourdesk, son réseau de coworking, retrouver Terrebrune, augmenter sa production de blanc (aujourd'hui à 20 %, face à 40 % de rouge et 40 % de rosé). Et puis, regarder la Méditerranée qui miroite, attirante, frémissante, au-delà des vignes. C'est pas l'homme qui prend la mer…
Cet article est issu du F, l'art de vivre du Figaro.
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Par Marie-noëlle Demay
Publié le 14/07/2024