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Le Figaro Magazine : "Écologisme : le piège de la décroissance"

12 octobre 2024 Revue de presse
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Les prophètes de l’apocalypse environnementale militent pour un modèle fondé sur le rationnement dans tous les domaines. Dans « La Grande Mystification », l’économiste de la santé Jean de Kervasdoué démontre leur emprise sur le monde politique et les médias.

Dans sa déclaration de politique générale, mardi dernier, Michel Barnier a annoncé vouloir « faire évoluer de manière pragmatique et différenciée la réglementation “zéro artificialisation nettepour répondre aux besoins essentiels de l’industrie et du logement ». Il a aussi promis de continuer à développer les énergies renouvelables, mais « en mesurant mieux tous leurs impacts ». Le premier ministre n’a pas cité les éoliennes, mais les députés auxquels il s’adressait ont compris qu’elles étaient directement concernées. Surtout les députés écologistes, qui ont hurlé de concert avec les ONG comme Greenpeace, WWF France ou encore Réseau Action Climat. Et pour cause : depuis le fameux « l’environnement, ça commence à bien faire ! » de Nicolas Sarkozy en visite présidentielle au Salon de l’agriculture, en 2010, personne au sommet de l’État ne s’était permis un tel écart par rapport à la doxa verte en matière d’écologie. Michel Barnier n’a rien d’un climatosceptique. Jean de Kervasdoué non plus. Directeur général des hôpitaux sous François Mitterrand, longtemps titulaire de la chaire d’économie et de gestion des services de santé du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et membre de l’Académie des technologies, cet ingénieur agronome de formation ne nie pas le dérèglement climatique, mais s’attache à démontrer, livre après livre, que les remèdes proposés par les « décroissantistes » sont pires que le mal. Dès le préambule de La Grande Mystification, son dernier ouvrage, il résume l’équation insoluble à laquelle les principaux dirigeants du monde sont confrontés depuis 2015, date à laquelle ils ont adopté avec une belle unanimité l’objectif de l’accord de Paris, atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 : « L’humanité doit réduire ses rejets de gaz à effet de serre. Elle ne le fera pas, même si les Français ne prenaient que quatre fois l’avion au cours de leur vie. Les pays les plus pauvres, eux aussi, vont user et abuser des énergies fossiles, laissant les Européens se battre contre la marée montante des gaz à effet de serre. Elle va les engloutir. Quant à la nature qu’ils veulent préserver, elle n’a jamais existé. » L’une des dernières études en date sur l’impact de l’accord de Paris, réalisée en 2023 par le très sérieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) estime que pour réduire les émissions au rythme qu’il impose, il faudrait sacrifier entre 8 % et 18 % du PIB annuel mondial d’ici 2050 et de 11 % à 13 % par an d’ici 2100 !

“ÉVANGÉLISATION”

Jean de Kervasdoué est honni par les Verts parce qu’il combat sans relâche la décroissance, « le paradigme de l’écologie politique, ses fausses solutions et ses idées préconçues », qui « ne résout en rien les réelles questions écologiques, mais réduit fortement le pouvoir d’achat des Français ». Dans LaGrande Mystification, sa connaissance intime de l’appareil d’État lui permet de démonter les mécanismes grâce auxquels cette idéologie mortifère pour nos sociétés occidentales s’est imposée dans les sphères politiques et médiatiques françaises et européennes, au mépris des réalités scientifiques. Il raconte comment Élisabeth Borne, première ministre, mais aussi ancienne directrice de cabinet de Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, a organisé en 2022 « une catéchèse obligatoire pour tous les hauts fonctionnaires » : « L’évangélisation commence par ceux qui ont le plus de pouvoir : les directeurs d’administration centrale, les membres des cabinets ministériels, les préfets… puis les missionnaires doivent ensuite toucher 25 000 fonctionnaires. » L’entrisme écologiste dans la haute administration explique comment l’appareil d’État a pu accoucher de dispositions aux conséquences économiques et sociales aussi délétères que le plan zéro artificialisation nette (ZAN) des sols, auquel Michel Barnier vient donc de porter un premier coup. Le ZAN est la mesure phare de la loi Climat et résilience de 2021, qui transpose les principales conclusions de la Convention citoyenne pour le climat. Une « pseudo-démocratie d’opérette », tranche l’économiste, qui met au jour des réseaux constitués au sein-même de l’État. Il cite, par exemple, l’association Le Lierre, créée en 2019, qui se présente comme « le réseau écologiste des professionnel-le-s de l’action publique ». Le Lierre milite pour « la mise en oeuvre immédiate » du ZAN. « En consultant le site de cette association, écrit Jean de Kervasdoué, on constate que si certaines des notes ne sont pas signées, d’autres le sont par des fonctionnaires en activité. Visiblement le droit de réserve des fonctionnaires ne s’applique pas quand ils prêchent la sainte parole. »

DÉRIVES

Ses observations rejoignent celles d’un autre livre, paru le 19 septembre, sur les dérives de l’écologie politique : Les Illusionnistes, cosigné par nos confrères du Point Géraldine Woessner et Erwan Seznec *. Pour eux aussi, le ZAN est « un cas d’école » d’instrumentalisation de l’écologie au service d’un objectif : « Rationner la terre » en organisant « une pénurie artificielle d’espace ». « Le vrai but du ZAN est de mettre fin à l’ère de la maison individuelle », affirment-ils, en rappelant qu’en 2021, Emmanuelle Wargon, alors ministre déléguée au Logement, avait qualifié ce mode d’habitat de « non-sens écologique, économique et social ». Cette déclaration avait évidemment provoqué un tollé et la ministre s’était évidemment empressée de faire marche arrière, mais le ZAN n’avait pas été remis en cause, alors que beaucoup d’élus locaux en dénonçaient déjà les conséquences désastreuses sur le logement et l’activité économique.

EXCOMMUNICATION MÉDIATIQUE

Logiquement, l’idéologie décroissante contamine les institutions internationales. Géraldine Woessner et Erwan Seznec rappellent que le ZAN est un avatar français d’un texte stratégique – non contraignant, lui – de la Commission européenne en vue d’atteindre le « zéro artificialisation nette des sols » d’ici à 2050. Les agences les plus renommées ne sont pas épargnées, comme l’Agence internationale de l’énergie (AIE), dont Jean de Kervasdoué souligne qu’elle « ne cesse de se tromper en prenant ses désirs pour des réalités » quand elle publie ses prévisions, sur la demande mondiale de charbon par exemple. Interdiction des moteurs thermiques, diabolisation des mégabassines et des OGM, prédictions de disparition des espèces… : pour ces auteurs, aucun sujet n’est tabou. Même si, comme le note Jean de Kervasdoué, « aujourd’hui, à l’évidence, le simple fait d’évoquer la nécessité de ces débats scientifiques à pour seul effet direct de produire une définitive excommunication médiatique dans la majorité des supports de la bien-pensance ». Gageons qu’il sera fort peu question de ces deux livres sur le service public de l’audiovisuel, temple s’il en est de l’écologiquement correct, auquel Les Illusionnistes réservent un traitement particulièrement réjouissant.

 

* Les Illusionnistes, de Géraldine Woessner et Erwan Seznec, Robert Laffont, 440 p., 21,90 €.

 

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Par Judith Waintraub

Publié le 12 octobre 2024