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Le Figaro : "Nicolas de Tavernost, le nouveau « Monsieur Médias » de Rodolphe Saadé"

15 mai 2024 Revue de presse
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L’ancien patron du groupe M6 devient vice-président de la nouvelle holding médias de l’armateur CMA CGM, propriétaire de La Tribune, La Provence et bientôt BFMTV.

Nicolas de Tavernost, 73 ans, a quitté la présidence du groupe M6 le 23 avril dernier. CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Trois petites semaines et puis revient. Le parrain du PAF aura connu la retraite la plus courte de l’histoire de la télévision. Après avoir quitté la présidence du groupe M6, le 23 avril dernier, Nicolas de Tavernost vient de rebondir chez CMA CGM, le groupe du milliardaire Rodolphe Saadé. Preuve que les choses ne traînent pas, l’ex-homme fort de M6 débute dès ce jeudi. « Il a déjà son nom sur la porte », glisse-t-on chez CMA CGM.

 

Aux côtés de la présidente, Véronique Saadé, l’épouse de Rodolphe Saadé, Nicolas de Tavernost occupera le poste de vice-président de la nouvelle holding CMA Médias «et mobilisera son expérience pour assister le groupe dans ses activités médias, dans le choix des investissements et la conduite des opérations», détaille un communiqué de l'armateur CMA CGM. Il assurera en outre la présidence du comité stratégique. « Il apportera ses compétences au sein de l’équipe média pour accompagner notre diversification dans le secteur », a indiqué Rodolphe Saadé.

 

Le parrain du PAF avait prévenu qu’il ne se contenterait pas de « balayer les mouches » dans son château de l’Ain. Deux jours après son départ du groupe M6, il avait été nommé vice-président du conseil d’administration de GL Events, le groupe événementiel dans lequel il était déjà administrateur indépendant. En acceptant de rejoindre Rodolphe Saadé, il accède à un poste plus opérationnel. « C’est une très belle prise. Rodolphe Saadé s’offre une pointure de l’industrie, salue un acteur du secteur. Il semblerait que la violente polémique autour d’une une de son journal La Provence, qui avait entraîné une grève et une motion de défiance au sein de la rédaction, a provoqué un déclic, glisse une bonne source. Rodolphe Saadé a réalisé que les médias ne se géraient pas comme des conteneurs. Il ne pouvait pas faire ce qu’il voulait, quand il voulait. Il lui fallait un professionnel expérimenté dans les médias. » L’armateur n’était pas le seul à courtiser le « grand fauve » du PAF. Xavier Niel, le fondateur de Free, et Bernard Arnault, le PDG de LVMH, entre autres, auraient tenté une approche.

 

Ce recrutement en tous les cas doit être interprété à l’aune des ambitions de l’armateur dans les médias. L’homme d’affaires franco-libanais est déjà le propriétaire du journal La Tribune et du groupe La Provence (quotidiens régionaux La Provence et Corse Matin). CMA CGM détient également des participations minoritaires au capital de M6 (11 %), où Véronique Saadé dispose d’un siège au conseil de surveillance, ainsi que du média vidéo Brut. Surtout, il est sur le point de faire son entrée dans le PAF par la grande porte, avec le rachat d’Altice Media (BFMTV, BFM Business, BFM Régions, RMC Story et RMC), pour lequel il n’a pas hésité à dépenser 1,55 milliard d’euros en cash.

 

Nicolas de Tavernost sera concentré sur le pilotage stratégique de CMA Médias. La nouvelle holding doit à terme englober toutes les activités médias du groupe. Elle intégrera, d’un côté, le pôle presse de l’armateur, WhyNot Media, dirigé par Jean-Christophe Tortora et dont Véronique Saadé est la présidente non exécutive. Et, de l’autre, le pôle audiovisuel, en principe géré par Arthur Dreyfuss, le PDG d’Altice France, découlant du rachat d’Altice Media.

 

La finalisation de ce rachat est l’un des premiers gros chantiers qui attend Nicolas de Tavernost. L’opération doit être bouclée dans le courant de l’été, sous peine d’échouer. Comme une quinzaine d’autres chaînes, BFMTV vient de déposer un dossier afin de renouveler son autorisation d’émettre sur la TNT. Une fois la fréquence réattribuée, BFMTV, en vertu de la loi, ne pourra plus être revendue durant les cinq prochaines années. « Il y a aussi un sujet si BFMTV se fait dépasser par CNews, observe un acteur de l’audiovisuel. C’est plutôt bien joué d’avoir recruté Nicolas de Tavernost : il sait parfaitement naviguer par gros temps. »

 

CMA CGM, qui ne cache pas sa volonté de poursuivre ses emplettes dans les médias, a surtout dans sa ligne de mire le rachat du groupe M6… Une maison que Nicolas de Tavernost connaît de fond en comble, pour y avoir passé 37 ans. Rodolphe Saadé en est déjà actionnaire minoritaire. Et il avait tenté de racheter la filiale de Bertelsmann en 2022, aux côtés du producteur Stéphane Courbit et de l’homme d’affaires Marc Ladreit de Lacharrière (Fimalac), après l’abandon de la fusion entre TF1 et M6.

 

« Si c’est l’objectif, c’est un pari hautement risqué », considère un expert de l’audiovisuel. En l’état, la revente du groupe M6 est impossible jusqu’en 2032. Et, sans modification de la loi, le dossier est bloqué. Or, la priorité du gouvernement est clairement son projet de fusion de l’audiovisuel public. Rien n’a été prévu, pour l’heure, dans le cadre de sa réforme de l’audiovisuel, pour réduire le délai de revente d’une fréquence de la TNT… Le Sénat pourrait réclamer un changement. Mais des vents contraires soufflent puissamment. En coulisses, TF1 s’active pour que les reventes de fréquence ne soient pas facilitées. La filiale de Bouygues a compris qu’elle ne pourrait pas se consolider, ou à la marge. « Elle n’a donc aucun intérêt à voir ses concurrents se renforcer », explique l’expert.

 

Fin connaisseur des arcanes du pouvoir politique et fervent combattant des verrous réglementaires qui entravent le secteur depuis des années, Nicolas de Tavernost est parfaitement conscient que les incertitudes sont fortes sur un éventuel changement de la loi. « Il rêve de pouvoir un jour revenir avec un acheteur du groupe M6, confie un haut cadre de l’audiovisuel. Mais il sait que ce projet demeure très hypothétique. S’il s’est finalement décidé à travailler pour Rodolphe Saadé, c’est qu’il a un beau challenge avec l’intégration de BFMTV, alors que d’importantes échéances électorales se profilent, que CNews progresse et que le climat en France est quasiment insurrectionnel. C’est le genre de défi qui le motive. » Surtout, ajoute-t-il, « Nicolas de Tavernost a un besoin quasi viscéral : bosser. » La retraite attendra. Encore une fois.

 

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Par Caroline Sallé

Publié le 15 mai 2024