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Le Figaro : "Sauternes : ces ingrédients qui font de Château de Fargues un vin unique"

25 décembre 2024 Revue de presse
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Dans le cœur des amoureux du vin de Sauternes, le château de Fargues a toujours eu une place à part. Il faut dire que la propriété de Philippe de Lur-Saluces ne fait rien comme tout le monde.

La forteresse du château de Fargues. Château de Fargues  

«Il n’est pas de grand vignoble prédestiné, il n’y a que des entêtements de civilisation.» Philippe de Lur-Saluces, propriétaire du château de Fargues en Sauternais, cite le journaliste et écrivain bordelais Pierre Veilletet. «J’ai vraiment le sentiment, poursuit-il, que c’est ce que nous faisons à Fargues : on s’entête dans cette civilisation de la vigne.» À la dégustation du vin, le mot «civilisation» semble approprié. Avec une douceur qui lui est caractéristique, Fargues confirme son unicité : robe dorée où l’âge accentue un éclair orange cuivré, nez déployant un bouquet de fleurs – héliotrope, muguet, jasmin, fleur d’oranger… –, miel et fruits jaunes mûrs, et en bouche une harmonie de fruits confits – pêche, abricot, coing – de mangue et d’ananas. Paradoxal comme tous les grands sauternes, Fargues est riche mais jamais sirupeux, doux mais soutenu par une acidité fraîche de zestes d’agrumes (mandarine, pomelo). En fait, de millésime en millésime, on manque de mots : c’est un sauternes indescriptible, vivant, caressant et inclassable.

 

Bien que la propriété, dominée par son impressionnante forteresse médiévale dont la silhouette rappelle un dessin de Victor Hugo, soit dans la famille de Lur-Saluces depuis 1472, Château de Fargues n’a pas l’ancienneté de ses homologues classés de Sauternes — parmi lesquels les châteaux de Malle, Filhot, Coutet et d’Yquem faisaient autrefois partie des domaines de la famille de Lur-Saluces. En effet, le vignoble n’est consacré au vin liquoreux que depuis 1943, soit près de neuf décennies après le fameux classement de 1855, ce qui explique qu’il n’en fasse pas partie. Cette année-là, Bertrand de Lur-Saluces, grand-oncle de Philippe, décide de remplacer sur le domaine les cépages rouges par des cépages blancs : sémillon (80 %) et sauvignon blanc (20 %). Sage décision : le terroir trouve enfin sa vocation et le Botrytis cinerea  – la pourriture noble – un terrain favorable. Quoique jeune en décennies, le vin du château de Fargues paraît avoir été poli pendant des siècles.

L’excellence contre vents et marées

De 1968 à sa disparition, Alexandre de Lur-Saluces est à la tête du domaine. En 2023, Philippe prend la suite de son père, accompagné de son épouse Charlotte et de François Amirault, responsable d’exploitation. «La passation s’est faite dans la continuité, dit Philippe, car j’ai travaillé assez longtemps avec mon père et il m’a lâché la bride progressivement. Nous n’avions jamais eu de divergence d’opinions sur le fond.» Les choix du domaine – ne travailler qu’avec un nombre réduit de négociants sur la place de Bordeaux, ne pas faire de second vin et réserver la production du liquoreux aux meilleurs millésimes – reflètent cette détermination à maintenir l’excellence dans un contexte commercial difficile pour les sauternes. Philippe se dit rassuré quand des sommeliers influents lui confient : «On ne peut pas laisser cette région dépérir, il faut faire quelque chose» et usent de leur influence sur les consommateurs pour promouvoir le sauternes.

Philippe de Lur-Saluces, 16e génération. Savinien Tonelli  

À propos de promotion du sauternes, Philippe de Lur-Saluces est persuadé qu’elle passe par la gastronomie et que les accords sont multiples. D’abord, pas de sucré : ce n’est pas un vin de dessert ; c’est aussi un vin qui apprécie les contrastes : huîtres, crustacés, poissons, viandes blanches, volailles – dont les volailles farcies de Noël –, mets corsés voire épicés, tartes aux fruits, fromages affinés et notamment à pâte persillée. Philippe n’hésite pas à servir Fargues au côté de charcuteries fines comme pour un repas de vendangeurs : foies gras, terrines et galantines.

 

En octobre 2013, lorsque le romancier américain Jay McInerney célébra au restaurant parisien Le Taillevent la sortie de l’édition française de ses chroniques sur le vin*, il sélectionna dans les caves du restaurant un château de Fargues 1997 pour accompagner une poule faisane. Le plat resta au menu. L’équipe du Taillevent remarqua par la suite que les clients, subjugués par l’accord du gibier avec ce sauternes, le plébiscitaient et ne parlaient que de cela à table. Il faut aussi préciser que ce vin exceptionnel se suffit à lui-même et que le consommer seul est toujours un ravissement.

 

*Bacchus et moi, éditions de La Martinière.

 

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Par Sophie Brissaud

Publié le 25 décembre 2024