News

Le Point : "Vins : disparition d’Alexandre de Lur Saluces, le seigneur d’Yquem"

26 juillet 2023 Revue de presse
Vue 542 fois

L’ancien gestionnaire du célèbre domaine viticole s’est éteint à 89 ans. Il possédait une personnalité complexe, héritée d’un passé de guerriers depuis les croisades.

Le comte Alexandre de Lur Saluces, ici en 1996, s'est éteint à l'âge de 89 ans. © FRANCOIS GUILLOT / AFP

Alexandre de Lur Saluces est décédé le 24 juillet 2023. Ce n'est pas la fin de l'histoire. Les Lur Saluces avaient conquis le château d'Yquem par mariage entre Joséphine de Sauvage d'Yquem et Louis-Amédée de Lur Saluces le 6 juin 1785. Noblesse de robe pour l'une, d'épée pour le marié. Les Lur Saluces possèdent en effet un pedigree militaire qui remonte aux croisades. Alexandre avait conservé de ce passé guerrier une capacité de résistance qui le fit se battre jusqu'au bout pour annuler le rachat par LVMH du premier grand cru classé de sauternes.

 

Trahi par son frère aîné Eugène, qui avait entraîné avec lui plusieurs actionnaires, Alexandre dut cependant céder. Nous avions écrit à l'époque que cette histoire rappelait celle de Richard Coeur de Lion et du Prince Jean selon Hollywood. Nous avions reçu en retour cette réponse d'Alexandre : « Votre vigoureux tableau de la situation ressemble, malheureusement, beaucoup à la réalité. » L'homme ne manquait pas d'humour, même dans les moments les plus difficiles. Le « seigneur d'Yquem », comme le désignaient nombre de propriétaires de grands domaines, s'était alors consacré à recréer dans une autre propriété de la famille, le château de Fargues, un très grand sauternes. Ce qu'il est parvenu à faire avec la complicité de François Amirault, son directeur technique.

Grands vins et châteaux médiévaux

Fargues n'avait rien de la beauté tout en douceur vallonnée du site d'Yquem. Forteresse construite au XIVe siècle et dans la famille Lur Saluces depuis 1472, l'endroit semblait plutôt austère. Un incendie l'avait en partie détruite en 1677. Pas question de la restaurer, affirmait Alexandre de Lur Saluces : « On consolide, on a cristallisé des murs. Comme disent les architectes, on bloque la pierre. » Deux ans plus tard, la forteresse bardée d'échafaudages, choyée par des compagnons, retrouvait peu à peu une grande partie de sa beauté d'antan. Et Alexandre s'enthousiasmait de retrouver des dalles sous les décombres.

 

Non, ce n'est pas la fin de l'histoire, et la suite, même si la pudeur l'empêchait de le manifester, devait grandement le satisfaire. Philippe, un de ses fils, après une carrière courte dans le domaine du luxe, décidait de revenir à la propriété : « Je me suis rendu compte que je n'avais pas une passion pour les sacs à main  », disait-il. Même humour que le père. Alexandre de Lur Saluces ne se contentait pas de produire de grands vins et de restaurer les châteaux médiévaux. Il avait créé également un vaste camping de luxe sur 13 hectares au château d'Uza, lui aussi hérité en 1472. Puis, après la tempête de 1999 qui avait détruit une bonne partie des forêts de pins, il avait relancé la production d'asperges blanches afin de redonner vie au village d'Uza.

C'est dans les gènes de la famille, nous confiait son fils Philippe, qui gère avec son épouse Charlotte l'ensemble des activités : « Au XVIIIe siècle, les Lur Saluces avaient développé une forge, fermée en 1981, qui, entre autres activités, fabriquait des patins de frein pour les locomotives. » Le moteur Lur Saluces ne fonctionne pas à l'argent. « Ça n'a aucun sens de récréer cette forteresse. Sauf si on prend en compte une chose complexe : le patrimoine. »

 

Lire l'article www.lepoint.fr

 

Par Jacques Dupont

Le 26/07/2023