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Le Figaro : "Gabriel de Broglie, historien et académicien, est mort"

09 janvier 2025 Revue de presse
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Le prince Gabriel de Broglie est décédé à l’âge de 93 ans. Il était un juriste et historien français, grand défenseur de l’audiovisuel public et de la langue française.

Le prince Gabriel de Broglie est mort à l’âge de 93 ans. Il était un juriste et historien français, grand défenseur de l’audiovisuel public et de la langue française. Membre de l’Académie des sciences morales depuis 1997, puis de l’Académie française depuis 2001, occupant le fauteuil laissé vacant parAlain Peyrefitte, le prince de Broglie était le cinquième immortel de sa famille à siéger sous la Coupole. Il a été aussi chancelier de l’Institut de 2006 à 2017. Il appartient à la branche cadette de cette grande maison de lointaine origine piémontaise qui a donné tant d’hommes d’État, d’ecclésiastiques, de maréchaux et de savants à la France. 

 

Après avoir fait des études chez les Oratoriens de Pontoise puis à l’Institut d’Études Politiques de Paris et à l’ENA, il entre au Conseil d’État en 1960 comme auditeur, puis il participe à plusieurs cabinets ministériels à partir de 1962, avant d’entamer à partir de 1971 une carrière dans l’audiovisuel public qu’il achèvera comme directeur général de l’ORTF en 1979 puis président de l’INA de 1979 à 1989 et président de la Commission Nationale de la Communication et des Libertés (CNCL), ancêtre du CSA, entre 1986 et 1989.

 

Il a toujours été très préoccupé par les questions de francophonie et de langue française, ayant du reste occupé diverses fonctions dans des organismes défendant la francophonie, défendant notamment le français, langue de grande culture, en affirmant combien il était regrettable que des chercheurs de haut niveau utilisent l’anglais dans leurs ouvrages de vulgarisation ou leurs cours, en particulier ceux du Collège de France, alors considéré comme une institution de prestige pour le rayonnement du français. 

 

Mais cela n’en faisait pas un adversaire du multilinguisme, tout au contraire puisqu’il plaidait pour l’apprentissage d’une langue étrangère dès le primaire, en se démarquant des Anglo-saxons qui, tout en donnant des leçons d’ouverture et de tolérance à l’ensemble de la planète, n’apprennent que leur langue maternelle à l’école. Le français a été, écrit Gabriel de Broglie, une source « d’émerveillement » pour lui : « J’ai éprouvé pour le français un sentiment profond et intime qui n’était pas l’amour avec ses déceptions, ni la passion dévorante, mais l’émerveillement ».

Un «libéralisme aristocratique et catholique»

Gabriel de Broglie a aussi laissé une œuvre d’historien, en fidélité à sa tradition familiale, « l’orléanisme », un courant de pensée libéral et conservateur méconnu en France. Il était un lointain parent du duc Albert de Broglie, défenseur d’un libéralisme différent des autres libéraux. L’historien Jean-Marie Mayeur résumait : « Thiers est libéral, comme Broglie, mais le premier incarne le libéralisme anticlérical fils de la Révolution, le second un libéralisme aristocratique et catholique »

 

Gabriel de Broglie a tenté de redonner vie à ce courant oublié, fidèle à un modèle britannique qui aurait pu éviter les affres de l’instabilité chronique de la IIIe République. Il a notamment écrit sur la monarchie de Juillet, Guizot et l’Orléanisme, doctrine dont l’importance est bien plus grande qu’on ne saurait l’imaginer, inspirant notamment le « dualisme » de la Ve République, comme le rappelait René Rémond dans son Histoire des droites en France : « La Constitution inspirée par le général de Gaulle paraissait, à un siècle ou plus d’intervalle, restaurer le régime de Louis-Philippe ou rendre l’existence à la Constitution de 1875 » (avant que ces lois de 1875, conçues par le duc de Broglie, en s’inspirant de W. Bagehot, ne soient dénaturées par les Républicains, en particulier Jules Grévy à partir de 1879).

 

Sur cette séquence « orléaniste », qui est aussi une histoire oubliée du véritable libéralisme (avant les excès néolibéraux des années 1980), le prince de Broglie a publié notamment en 1979 une Histoire politique de la Revue des Deux-Mondes de 1829 à 1979, L’Orléanisme ou la Ressource libérale de la France, puis une biographie de Madame de Genlis (1985) grand prix Gobert de l’Académie française et en 1990 une biographie de Guizot qui obtint le prestigieux prix des ambassadeurs. Puis une biographie du maréchal de Mac Mahon (2000) et un essai sur La Monarchie de Juillet (2011). Grand bibliophile, il présidait, depuis 1980, la Société des bibliophiles français. Il était aussi président d’honneur de La Renaissance française.

 

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Par Jacques de Saint Victor

Publié le 9 janvier 2025