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Le Figaro : "«On s’est privé de tout pour le restaurer» : en Gironde, la seigneurie de Benauge trône toujours"
REPORTAGE - Joyau du patrimoine girondin, le château de Benauge fut la résidence des plus puissants seigneurs gascons jusqu’à la fin de la guerre de Cent ans. Inscrit au titre des monuments historiques, il appartient désormais à une illustre famille bordelaise qui veille sur sa postérité.
Le château de Benauge est l'un des plus grands de la Gironde. Marie-Hélène Hérouart / Le Figaro
Le Figaro Bordeaux
Dressées à 120 mètres d’altitude au centre de l’Entre-deux-Mer, les pierres du château de Benauge conservent l’aura de la plus grande seigneurie de la Gironde jusqu’à la construction de la bastide de Cadillac. Bien conservée et peu connue, cette place forte de la région est apparue au XIe siècle. À l’époque, toutes les portes des villes alentour tournées en sa direction héritent de son nom, jusqu’à Bordeaux où le quartier de Benauge existe toujours. Dix siècles plus tard, la bâtisse qui a résisté à deux sièges est dans le giron d’une illustre famille bordelaise, descendante d’un notable anobli sous Napoléon Ier. Et depuis son acquisition par Auguste Journu en 1913, six mois avant la Première Guerre mondiale, trois générations se sont déjà succédé pour préserver ce patrimoine girondin.
David Souny, un guide conférencier girondin spécialiste de la seigneurie de Benauge, est l'un des rares à organiser des visites dans le château. Marie-Hélène Hérouart / Le Figaro
«On s’est privé de tout pour restaurer la partie historique. Quand notre fille aînée s’est mariée en 1985, nous n’avions toujours pas de chauffe-eau. L’urgence a toujours été la restauration», confie ainsi Véronique Journu. «Nous n’aurions jamais pu conserver Benauge si nous n’avions pas fait beaucoup de choses par nous-même». Aux côtés de son époux, 86 ans, qui monte encore dans son tracteur pour tondre les fossés et qui grimpe toujours sur les toits pour les rénover, la châtelaine «presque octogénaire» œuvre à la préservation du château avec ses quatre enfants, ses petits-enfants et ses arrière-petits-enfants. Sur les photographies de famille, la benjamine de la fratrie apparaît ainsi, à seulement 4 ans, car elle avait souhaité aider ses parents à trier les pierres d’un parapet effondré qui devait être reconstruit. «Les générations actuelles se donnent beaucoup de mal pour venir travailler à l’entretien du château tous les étés. Nos petits-enfants savent tous faire du mortier à l’ancienne», s’émerveille la propriétaire, certaine que le flambeau de Benauge a bien été transmis.
Le château de Benauge est entouré d'une double enceinte. Marie-Hélène Hérouart / Le Figaro
Un patrimoine local inscrit
Entouré d’une double enceinte et ancienne résidence des plus puissants seigneurs de la région (jusqu’à sa saisie et son ordre de démolition sous la Révolution), le château de Benauge suscite aussi admiration et passion chez les habitants alentour. Depuis 1993, soit deux ans avant l’inscription des lieux au titre des monuments historiques, l’association des amis de Benauge contribue ainsi à assurer la postérité de ce joyau de la Gironde. Chaque année, entre visites et événements, ses 129 membres parviennent ainsi à lever 25.000 euros, qui financent la rénovation des ruines (à laquelle ils participent activement).
Sur l'escalier du château de Benauge trônent les boulets tirés par les trébuchets qui l'ont visé lors de deux sièges, en 1253 et en 1453. Marie-Hélène Hérouart / Le Figaro
Assiégé par Henri III, le roi d’Angleterre, pendant 40 jours en 1253, une première partie du château s’était en effet effondrée avant qu’il soit confié à Jean de Grailly, un chef militaire riche et puissant craint du roi de France d’alors, Louis IX. Deux siècles plus tard, peu après la prise de Castillon-la-Bataille le 17 juillet 1453, la place forte fut à nouveau attaquée parce qu’elle résistait encore au roi de France, Charle VII, davantage par «désir d’indépendance que par anglophilie», explique David Souny. Selon l’auteur d’une thèse sur les seigneurs de Benauge et directeur du bureau d'études Histoires de pierres, la chute du château qui soutenait alors Bordeaux, Rions et la bastide de Cadillac à l’automne de cette année-là amorça d’ailleurs la fin de la guerre de Cent ans.
Une partie du château de Benauge est en ruine et doit être régulièrement restaurée. Marie-Hélène Hérouart / Le Figaro
Une histoire que les Journu entendent valoriser. Quatre-vingts boulets de canon tirés au trébuchet depuis le champ en contrebas ornent l’escalier en pierre du château et dessinent le pourtour de ses jardins. Dans la grange, un musée artisanal retrace le fil des différents propriétaires qui s’y sont succédé. Quant à la transmission de cet héritage, la troisième génération des Journu s’en est déjà occupée. Le fils taille les haies à la manière du père et surtout, la succession a été assurée via une société civile immobilière (SCI). «Nous sommes sûrs que cela sera pérennisé», se réjouit Véronique Journu. Et si l’identité du château de Benauge demeure celle d’une résidence secondaire familiale, ses portes sont ouvertes au public lors des Journées du patrimoine et pour des visites privées organisées par le guide conférencier girondin spécialiste des lieux, David Souny.
Depuis 1993, l'association des amis de Benauge contribue à la restauration des ruines du château. Marie-Hélène Hérouart / Le Figaro