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Homélie de l'Abbé Arnaud du Cheyron lors de la réunion A.N.F. Gascogne-Languedoc

27 September 2023 Article
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Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit - Amen

Bien chers frères,

 

« Jésus-Christ lui-même a aimé l’aristocratie. Lui aussi voulut appartenir à la noblesse par sa naissance et descendre de la race de David. Il faut donc dire que l’aristocratie, la noblesse est un don de Dieu, et que, par conséquent, vous devez conserver ce don avec soin et en user avec dignité ».

 

Ces paroles sont celles du pape, plus précisément du bienheureux pape Pie IX, discours à la noblesse romaine et au patriciat, le 29 décembre 1872.

Portrait de Pie IX peint en 1871 par George Peter Alexander Healy.

ourquoi oser une telle introduction ? Simplement parce que nous vivons sous un régime qui n’est plus favorable à l’aristocratie et sous lequel l’alliance du trône et de l’autel n’est plus qu’un lointain souvenir. Pourtant nous existons encore, réunis en association d’entraide, nous avons, je pense, une certaine fierté à nous dire de l’A.N.F. . Cependant qu’est-ce que cela manifeste ? Nous savons bien qu’aristocratie, du grec aristos, signifie : le meilleur. Alors, en quoi sommes-nous, ou devons-nous, être les meilleurs ? Même si le second ordre s’illustre encore aux champs de bataille ou dans les hautes fonctions de l’État, voire au service des âmes, il est sans doute bon d’entendre de nouveau ces paroles du bienheureux Pie IX : « la noblesse est un don de Dieu, par conséquent, vous devez conserver ce don avec soin et en user avec dignité ».

 

La noblesse est ainsi un don à conserver et à utiliser. Les lectures de ce jour semblent bien illustrer cela.

La noblesse est un don de Dieu

Alors qu’il choisit le prophète Ézéchiel, Dieu dit : « je fais de toi un guetteur ». La Parole de Dieu est évidemment universelle, mais dans le contexte qui est le nôtre, il me semble que cette élection en tant que choix d’une personne constituée en guetteur exprime quelque chose du don de noblesse. Dans nos campagnes, plus que dans les villes, de tout temps l’aristocrate est considéré comme une personne honorable parce qu’elle est celle qui protège, qui veille et qui défend ; en somme, elle est celle qui aime comme un père. Ce respect de tous envers une catégorie de personnes provient normalement de la grandeur d’âme, c’est-à-dire de cette conscience d’avoir une mission particulière au sein de la société, une mission qui exige. En effet, en appelant Ézéchiel, Dieu l’enjoint de porter sa parole aux autres, et plus encore de montrer le chemin du bien et du vrai, en précisant : « si tu ne lui dis pas d’abandonner sa conduite mauvaise, lui le méchant mourra de son péché, mais à toi je demanderai compte de son sang ».

 

Mes chers frères, je crois que ces paroles doivent raisonner en nous comme un appel précis de Dieu, le don de noblesse qui nous a été fait est un don prophétique au service de nos frères. Pour l’accomplir, il nous faut renoncer à une fausse vertu promue par tous et partout : la tolérance. Peut-être êtes-vous choqués d’entendre cela dans la bouche d’un prêtre, mais reconnaissons que la tolérance consiste à accepter tout et son contraire, sous couvert d’une charité sans borne, pourtant le Seigneur nous ordonne à être charitables, certes, mais sans jamais oublier la vérité. Ce don de noblesse nous oblige à être serviteurs non pas des beaux discours du moment, mais à chercher, promouvoir et défendre la Vérité qui n’a d’autre nom que Jésus-Christ lui-même : « je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ».

 

Parce que nous ne sommes pas saints et que le péché est en nous, probablement que la tentation de la tolérance s’est déjà présentée à nous, et peut-être y avons-nous succombé. Ne nous laissons pas vaincre pour autant par le découragement, faisons de cela une felix culpa qui nous donne aujourd’hui la joie de redécouvrir le don que nous a fait le Seigneur.

Le prophète Ézéchiel, par Michel-Ange (1510) dans la chapelle Sixtine.

La noblesse est un don à conserver avec soin

Comme tout don, il appartient à celui qui le reçoit de le garder, de le faire croître, ou de l’abandonner, comme dans la parabole des talents. Dans l’évangile de ce jour, le Seigneur nous indique la voie par excellence pour conserver ce don de noblesse : l’humilité. Jésus en effet invite ses disciples à la correction fraternelle et à l’unité, mais plus encore il rappelle : « tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel », autrement dit, il invite déjà à la confession et donc à l’humilité.

 

Mère de toutes les vertus, l’humilité doit être la vertu des meilleurs, des aristocrates, afin qu’ils accomplissent toujours leur mission en simple serviteur. Aussi, ce don de noblesse déposé en nous ne peut rayonner et porter du fruit que s’il est accompagné d’une vie de foi authentique. Faire ses pâques et aller à la messe quand cela nous arrange ne sauraient être la voie juste pour nous aider à conserver le don qui nous a été fait. Cela trouve sa racine dans le fait qu’en France, aujourd’hui encore, la noblesse est liée soit à la naissance légitime et au baptême, soit au mariage légitime, dans les deux cas c’est un sacrement qui confère la noblesse, d’où l’affirmation juste du « don de Dieu », mais aussi d’où la nécessité d’entretenir ce don par les sacrements, in primis, par celui de la confession, s’il est un endroit où nous devrions être les meilleurs, c’est là.

 

Je ne me risquerais pas à un sondage pour savoir à quand remonte la dernière confession de chacun d’entre nous, je vous laisse néanmoins répondre à la question en votre âme et conscience, et en tirer les justes conséquences. Je ne suis ni Ézéchiel ni un des douze apôtres, mais il est de mon devoir de prêtre et de « guetteur » de vous dire qu’il est indispensable pour votre âme de se confesser régulièrement, pour prendre soin de la noblesse de votre âme comme de l’âme de votre noblesse, c’est tout un, et il en va de l’honneur de votre nom.

La noblesse est un don à user avec dignité

Qui se sait dépositaire d’un don particulier et qui en prend soin se trouve naturellement porté à le mettre en acte. Dans le vocabulaire courant, noblesse qualifie une personne généreuse, le dictionnaire donne du reste comme synonymes : générosité, héroïsme, magnanimité. Il est une qualité commune à tous ces adjectifs : l’amour, acte auquel nous invite la seconde lecture de ce dimanche : « le plein accomplissement de la Loi, c’est l’amour ».

 

Il ne s’agit pas d’un amour aveugle et une fois encore, tolérant, il s’agit « d’aimer son prochain comme soi-même », et ce que l’on ne saurait désirer pour soi, ce que l’on retient comme mauvais, comment dès lors accepter que ce soit bien pour l’autre ? L’amour, inséparable de l’amour de la Vérité, nous pousse à un témoignage exigeant, cet amour nous pousse ultimement au don de notre vie. Les martyrs de l’Église en sont l’illustration absolue, comme sainte Inès, fêtée aujourd’hui, veuve japonaise condamnée et mise à mort pour avoir accueilli des missionnaires chrétiens au XVIIème siècle. Mais sans aller jusqu’à l’effusion du sang, notre ordre peut être fier de l’acte héroïque du désormais célèbre « héros au sac à dos » alias Henri d’Anselme, son acte exprime autant la noblesse de son âme que l’âme de sa noblesse. Voilà ce que peut faire le don de noblesse lorsqu’il est entretenu par une vie de foi nourrie des sacrements. C’est bien la vie et sa valeur que ce jeune chevalier des temps modernes a défendu, cela nous oblige aussi quant au combat que nous pouvons tous mener en faveur de la vie et contre la banalisation de l’avortement. Aucune tolérance de notre part ne saurait être permise devant cette réalité qui, sinon, ferait de nous les complices d’un véritable massacre des saints innocents.

 

La noblesse ne saurait se résumer à un sigle apposé à côté de notre nom, elle est un don qui se vit au service des autres.

 

Pour conclure, écoutons ces mots d’un autre pape à la noblesse : « Ce que nous attendons de vous, c’est une adhésion généreuse, non pas de bouche et de pure forme, mais du fond du cœur et mise en œuvre sans réserve, au précepte fondamental de la doctrine et de la vie chrétienne, dont l’observance ne peut manquer de vous assurer le vrai bonheur spirituel et temporel ». (Pie XII, discours au patriciat et à la noblesse romaine, 14 janvier 1948).

 Le pape Pie XII coiffé de la tiare et porté sur la sedia gestatoria dans les années 1950.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit - Amen

 Monsieur l'abbé Arnaud du Cheyron

Secrétaire de nonciature en Turquie

 

Références des lectures du dimanche 10 septembre 2023 :

- Ezéchiel 33, 7-9 ; Psaume 94, 1-2 & 6-7 ;

- Romains 13, 8-10 ; Saint Matthieu 18, 15-20